Irremplaçable ........Jean Piat nous a quittés.......Une voix et un regard
Le voici en Cyrano pour qui nos larmes coulaient, qu'il joua quatre cents fois, , consacrant ainsi le prodige final d'Edmond Rostand : montrer la merveilleuse beauté interieure de Cyrano ....
......ou en pathétique Robert d'Artois , dépossédé de ses terres , celui des Rois maudits , cycle composé par Maurice Druon et son équipe de passionnés d'Histoire de France
Et quelle trame déchiffre ici cet homme en habit chamarré ?
Vous vous en souvenez tous , au théatre , au cinéma , Jean Piat ne jouait pas , il était l''homme qu'il incarnait, et son visage , pourtant bien particulier avec son regard vif , limpide ou malicieux , ne masquait pas le personnage ou le héros : il le ressuscitait en une magie portée par le texte , travaillé chaque jour , comme le musicien reprend sa partition , par amour du son , de la langue , des rythmes et des harmonies .
Servir notre langue , le Français , c'était la passion , le devoir de Jean Piat, son bonheur et son honneur.
Sa voix magnifique conférait à Moliere , Marivaux , Beaumarchais , Musset , Hugo ,puis Montherlant , Giraudoux ,Guitry , Cocteau , une puissance , une vérité qu'il offrit aussi au grand Lawrence d'Arabie, adversaire de l'empire ottoman , interprété par Peter O'Toole dans un inoubliable film ; bouleversante voix enfin des héros de Vendée aux spectacles du Puy du Fou , qui devait monter du plus profond de lui même .
Mais elle séduisait autant dans Feydeau ,ou Labiche ,que grandissait son propre humour , irresistible dans les pièces décapantes de la dramaturge Françoise Dorin , amie de toujours .
Aucun rôle ne lui échappait , justement parce qu"il en possédait la clef , ce texte qu"il dominait, et dont le sens transformait les traits de son visage
que ce soit "La folle journée" .....
ou la rapière de Lagardère en main
ou Salieri contre Amadeus .....
.....et à Nohant , lecture en hommage à Frédéric Chopin
La belle époque ? mais à tout jamais perdue....... "Le prof " , une charge féroce contre les dérives de l'ex Instruction publique devenue "éducation nationale", saluée ici par la critique :
"Une heure et demie durant , Jean Piat , impeccable dans la gestuelle comme dans la diction .......donne de l'éclat aux mots , les habite, les charge d'une ironie pleine de chic , voire de panache .....Piat , qui a conservé la ligne et l'oeil du séducteur , confirme son statut d'acteur comme il n'en existe (presque ) plus ""
Pièce de Jean Pierre Dopagne ,théatre de la Gaîté Montparnasse
Né dans le Nord en 1924 , puis éléve de Notre Dame de Sainte Croix de Neuilly , entré à la Comédie Française en 1947 , sociétaire en 1953 , secrétaire en 1972 et secrétaire honoraire en 1973 , il déroula aussi cette brillante carrière en des théatres privés et au cinéma .Officier de la légion d'honneur , Commandeur des Arts et des Lettres et Grand Croix de l'ordre national du mérite, il était aussi metteur en scène et écrivain .
Jamais on ne le vit parader dans les salons à la mode , mais animer des soirées d'hommage à Frederic Chopin à Nohant
Que sont en effet les honneurs , si ne les accompagnent pas l'estime et l'attachement profonds de spectateurs et admirateurs avertis ? Le commun public est un leurre , et certains hommages pèsent tellement plus lourd qu'une foule ......
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""Il restera la voix de l'âme française " , a dit Philippe de Villiers
fbr 13 octobre 2018