L'hommage à J.de Romilly a retardé la parution de ce texte , à l'appui duquel nous vous
offrons ces deux poèmes , envoyés par des lecteurs de notre blog.
Comment avons nous appris le Francais? Comment l'apprendra t on désormais ?
Il en est des élucubrations comme des champignons vénéneux : plus ils sont gros , plus ils sont toxiques .La dernière
amanite mortelle, produite par les coutumiers de la pétition , demande nos suffrages pour la suppression des notes , à l'école , dans les collèges . Noble cause : ne plus traumatiser
les clampins derniers de classe...Dans celles où ne siègent que des derniers , d'ailleurs , on se demande quel serait le traumatisme ....
Il fut des temps plus rigoureux où les meilleurs recevaient une médaille , épinglée sur la veste des garçons , portée au bout d'un mince ruban par les filles , ou un bulletin supplémentaire
au carnet de correspondance , avec éloges des maitres . D'autres temps où les noms des méritants du tableau d'honneur s'affichaient dans les galeries d'entrée ; et la fin
d'année dans les lycées s'illuminait d'une distribution des prix avec pour récompenses de beaux livres rouges dorés sur tranche . Cela faisait des parents heureux , et d'autres que la
sévérité gagnait , au grand bénéfice de rejetons indolents qui apprenaient ainsi le sens de l'effort , et ses résultats .
Le système produisait des battants armés pour la vie .
La laide envie aigrissait peut être certains médiocres , mais comme tout un chacun devait en classe porter une blouse , à l'instar du hussard de la république en toile grise ou du prêtre en
soutane noire , il n'était pas question de" classe sociale "; tout pour l'application , rien pour l'apparence .
Puis vint la mode des "psy "; il ne fallait plus de maitres , mais des" éducateurs " , succédanés des parents , dont certains trouvèrent commode de déléguer leur autorité . Il n'y eut plus
de compositions trimestrielles pour évaluer les acquis , mais des contrôles , par ci par là , juste au moment où il devenait" tendance" de contester ceux de la police . L'échelle de 10 à 0
et celle de 20 à 0 disparurent pour" l'évaluation " de A à E , jeu des chiffres à lettres , mais si évaluation il y a , bien sommaire : envolés , les 10, 75 ou les
18, 50 , à la trappe , le zéro pointé des cancres ....
Evidemment le virus va gagner les grandes écoles : vade retro , la "botte " . Allons au bout : plus d'examens décernés à partir de notes , plus de concours d 'entrée , odieuse
sélection ; plus de promotion , ni dans l'armée , ni dans les entreprises , ni dans la fonction publique . Ne traumatiser personne ! Plus de who's wo si prisé des apatrides de la finance ....
Je n'enfoncerai pas des portes déja ouvertes : ce "souci de l'enfant " ne vaut que pour bobos gogos . Je demande pour ma part , en toute logique , qu'on retire ,
avant de ne plus en remettre aucune , toutes les légions d'honneur et toutes les croix du mérite largement distribuées , depuis trois ou quatre lustres , face aux caméras ; tous les
oscars de théatre ou de cinéma , tous les classements de meilleurs joueurs de tennis , de "fout "; toutes les cotations en bourse , les C , D des agences de notation qui
pleuvent sur Grèce , Irlande , Portugal , Espagne , et bien sûr le AA ou BB de France et d' Allemagne . Toutes les étoiles de nos grands chefs et celle des hôtels ; du bouis bouis au
palace , à chaque voyageur de faire son expérience . Bien entendu aussi la sélection des meilleurs hôpitaux , le classement des plages pour la qualité de l'eau de mer ou la
propreté du sable , les A.O.C. , le millesime des vins , les tests d'efficacité des crèmes rajeunissantes , les concours pour le titre Miss France et Miss Univers
......Qu'on n'évalue plus la valeur marchande de Picasso ou de Koons , qu'on ne parie plus sur le meilleur cheval pour le Prix X , qu'on ne jauge plus un individu sur sa Rolex , les
entreprises sur les dividendes distribués , complétez la liste.....
Mais dans ce pêle mêle qu'on ne touche au label plus beau village de France ! De grâce encore un peu de beauté dans ce monde nivelé grisailleux ...
Françoise Buy Rebaud
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Le fantôme de la France.., (les pas du poète le portent vers un étang
)
.....
Alors tu m'es apparue,
comme une statue voilée ,
Sur cette mare , les pieds
nus,
Toujours aussi émouvante;
Et tu paraissais vivante
Sous ton moule de tissus ,
Dans cette brume d'été ,
Et pourtant ne l'étais plus .
France ? Ai je soudain appelé
Mais tu n'as pas répondu.
Ta silhouette drapée
Demeura comme interdite...
France? Ainsi tu ressuscites ?
Mais ta voix tant désirée
Encore une fois s'est tue
Me laissant désemparé .
.....
France , qu'est il donc advenu
De tes arts , de ta pensée ,
Des fleurs de pierre tendues
Au ciel de tes cathédrales ,
Des cris de Jeanne la vestale
Dont la flamme fut aux nues
Un gage de sainteté
Pour ton royaume déchu ?
France , où sont cachées tes armes ,
Où est passée la " furia "
Qui t'exaltait aux alarmes ?
Rien ne frémit sous ton voile,
Rien ne perce cette toile ,
Qui conjurerait ce charme ,
Qui nous armerait le bras
Qui assècherait nos larmes
.....
Lors , j'ai retrouvé mon mal
Comme Enée en fuyant Troie
Portait en lui son fanal,
Je devrai me satisfaire
Du souvenir de mes pères
Que nul n'entendra, sauf moi
Dans mon île de
cristal .
Georges
Clément
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Histoires de mots
« LINGUISMES »
...
La langue française est belle, nous disent nos linguistes.
Je la trouve bien ardue, pas tendre pour les fumistes.
Harmonieuse et concise, elle permet de tout dire :
Parfois en l’écrivant, j’irai bien la maudire.
Ses nuances sont infinies, pleines de subtilités
Mais il faut soupeser ses douces difficultés.
Il nous en a fallu, des efforts pour l’apprendre,
Notre chère langue gauloise avec tous ses méandres !
Locutions et proverbes y sont source de richesse ;
Une mine infinie qui fait toute sa finesse.
Vous avez dit nuances ? Pardi, oui ! Elles existent !
Encore faut-il savoir, sans être perfectionniste,
Comment bien les manier, choisir le terme exact,
Pour de notre pensée, rendre le sens intact.
A ceux qui vous diraient que tout ça coule de source,
Ou que ceux qui s’y perdent ne seraient que des ours,
Je vous propose ci-dessous en petit exercice
Un panel d’expressions qui font notre délice.
Ces charmantes locutions que je vous cite en vrac,
C’est bien du bon français, pas du tout un micmac.
Mais elles font réfléchir, se poser des questions
Et nous font, à la longue, douter des convictions.
Ce sont des expressions qui, à travers les âges,
Ont cent fois évolué pour prendre leur usage.
Alors, plongez-y donc, attachez vos ceintures !
Montrez à vos enfants ce qu’est cette aventure,
D’apprendre ce doux français qui est notre culture,
Mais que les temps modernes veulent priver d’écriture :
Si je file à l’anglaise, en poudre d’escampette,
Beaucoup de bruit pour rien, pour partir en goguette
Abondance de biens, on le dit, ne nuit pas
Chose promise est chose due, et pas de langue au chat !
J’annonce la couleur, j’enfourche mon dada,
J’amuserai la galerie, souvent à hue à dia.
Sans mettre la charrue, parfois avant les bœufs,
Sauter du coq à l’âne, c’est ma règle du jeu.
J’aime coincer la bulle ou peigner la girafe,
Me tenir à carreau ou rester en carafe,
M’en mettre plein la lampe, amuser le parterre,
Ou battre le pavé sans cheville ouvrière.
Je tire au cul, au flanc, et sans un sou vaillant,
Aucun bien au soleil, rien à mettre à l’encan,
Ainsi, je prends mon pied, sans faire du potin,
Sans me fouler la rate ni avoir du tintouin.
J’en mets ma main au feu, prends ma chance aux cheveux
Serais- je de la revue, si reste canard boiteux ?
Bon sang ne peut mentir et bon chien chasse de race
Pour les de coups de Jarnac, mon ignorance est crasse
Ne suis pas faux jeton, je joue cartes sur table
Connu comme le loup blanc, je les mets sur le sable
Ne vire pas ma cuti, ne tourne pas casaque
Ni retourne ma veste : je suis toujours d’attaque.
S’il est tombé des cordes, c’est pas la mer à boire
J’aurai chat dans la gorge et je broierai du noir
Si faisais ce que dois, adviendra que pourra :
Je sais bien qu’à bon chat on trouvera bon rat.
Pas de douche écossaise ; contentement passe richesse.
Dans le doute, je m’abstiens, seule la vérité blesse.
Attendre la Saint-Glinglin n’est pas ma tasse de thé,
Se dorer la pilule, c’est trop collet monté.
Chaque jour suffit sa peine, la chandelle à deux bouts,
Chose promise est chose due : ménageons chèvre et chou.
Pas de bouillon d’onze heures : ce serait buisson creux,
Nécessité fait loi, pas de fumée sans feu.
Celui qui craint les feuilles, qu’il n’aille pas au bois
Au pays des aveugles, les borgnes sont tous rois !
Alors de but en blanc, au diable tous saint-frusquin,
J’ai jeté mon bonnet par dessus les moulins !
Boire à tire-larigot : pisse le mérinos !
Ma vie de patachon fera pas de vieux os …
Trop de parties carrées ? Vie de barreaux de chaise ?
A faire tant de fredaines, je vais sucrer les fraises !
Si je sable le champagne, je monte au septième ciel,
Mon cœur bat la breloque pour la dive bouteille …
Parfois un coup de foudre, me met dans de beaux draps,
J’en vois trent-six chandelles et en fait tout un plat.
En pincer pour quelqu’un, me met le vent en poupe,
Me fait faire le mariole : par ici la bonne soupe !
Aux mains froides, les cœurs chauds, je sais faire les yeux doux.
Autre temps, autres mœurs, ne courre plus le guilledou !
Si elle fait sa sucrée, ce n’est pas une vraie touche,
Mais si tout sucre tout miel, serait-ce une sainte nitouche ?
A trop conter fleurette, je vais ronger mon frein,
A trop longtemps du gringue, ça devient du béguin
Je deviens chaud lapin, vais me faire blackbouler !
Les grandes douleurs sont muettes quand on traîne un boulet.
Avoir un gros ticket, décrocher la timbale,
Me monte au septième ciel quand elle renvoie la balle.
Ça vaut son pesant d’or, c’est pas piqué des vers
Je brûlerai le pavé pour m’envoyer en l’air !
L’argent n’a pas d’odeur, occasion fait larron
Toute erreur n’est pas compte s’il faut boire le bouillon.
Mes espèces sont sonnantes et même trébuchantes
C'est donc monnaie de singe : petite pluie quand il vente.
Fortune vient en dormant, la nuit porte conseil
Autant emporte le vent met Paris en bouteille.
Tomber dans le panneau me fait prendre la mouche,
Je monte sur mes grands chevaux sans trop faire la fine bouche.
Je tire à boulets rouges à en perdre la boussole,
Je défraye la chronique et me pousse du col.
Des goûts et des couleurs, il ne faut discuter,
Commencer par soi-même est bonne charité.
Qui aime bien châtie bien et qui s’y frotte s’y pique
Mais c’est bien dans le ton qu’on y voit la musique !
Même si les chiens aboient, c’est caravane qui passe …
Mauvaise herbe croît toujours, il faut bien qu’on trépasse !
Voir passer l’arme à gauche, dévisser son billard,
Il faut du cœur au ventre pour finir au rancart.
La fin des haricots, sera l’échec et mat !
Pour fausser compagnie sans s’éclater la rate,
Faudra vider son sac quand au bout du rouleau,
Serai au pied du mur, resterai sur carreau …
Si vous avez des doutes, si croyez que j’invente,
Oyez pour toute réponse, cette phrase éloquente.
Elle ne mâche pas ses mots, mais dite en vieux françois,
Elle prend le mors aux dents en parler d’autrefois.
Elle vient du fond des âges, comme tous les mots ci-dessus ;
La langue est une cuisine d’où ces plats sont issus.
« Que le feu Saint-Antoine vous arde le fondement
Si voyez en mes dires foutaises ou boniments. »
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Jacques Grieu j.grieu@laposte.net