Jesus chassant les marchands du temple G.Dauré et Jacob Jordaens.
Ce spectacle a été donné à Paris en octobre au théatre de la Ville .
D'Avignon à Paris , tel est devenu l'héritage artistique .
Le Cercle Hernani
"Sur le concept du visage du fils de Dieu" par Romeo Castellucci"
Le Festival d'Avignon se poursuit jusqu’au 26 juillet mais il a connu, hier, un de ses moments les plus extrêmes avec le spectacle proposé par l’italien Roméo Castellucci : « Sur le concept du visage du fils de Dieu ». Une représentation choc qui ne dure que 55 mn mais qui ne se laissera pas oublier de sitôt.
Comment faire pour chasser de son esprit les images terribles qu’y inscrit Romeo Castellucci, artiste radical, jusqu’au boutiste, viscéralement dérangeant. Avec ce travail, l’italien pousse encore plus loin les limites du supportable en maniant avec force des images qui ne cessent de se heurter et de creuser la faille en chacun de nous. Devant nos yeux, sur une immense toile tendue, le visage du Christ nous observe. Au pied de cette peinture, une scène terrible se passe. Un vieil homme se trouve là, diminué, impotent. Son fils en costard cravate s’apprête à partir travailler. Le vieillard fait sur lui. Il pleure, murmure »pardon, excuse moi ». Son fils le nettoie, change sa couche. La même scène se reproduit plusieurs fois. Le vieillard défèque, il sanglote. Le fils le change, hurle, pleure. Puis le spectacle bascule. C’est le visage du Christ qui est l’objet des regards. Le fils colle sa bouche sur la toile et l’embrasse.
Des enfants arrivent qui balancent des grenades sur l’immense visage avant que le vieillard lui même ne grimpe dessus pour y déverser ses propres excréments. Le spectacle s’achève sur ses mots écrits « Tu es mon berger ». Des mots qu’on peut lire aussi autrement, nous suggère Castellucci : « tu n’es pas mon berger ». Certains ont quitté la salle devant un spectacle qui franchit sans transiger les frontières du visible. D’autres sont restés qui ont hurlé « escrocs » à la fin des 55 mn. D’autres encore se sont battus après la représentation. Et puis il y a ceux, qui, comme moi, ont laissé venir à eux la violence de ce qui leur était montré en essayant de faire la part entre la provocation nécessaire et le caractère totalement indiscutable de ce qui avait lieu, là, en face. Ce que fait Castellucci est difficile, exige beaucoup, pousse chacun dans ses retranchements. Est-ce du théâtre encore ? pas sur. Et pourtant, il n’y a qu’au théâtre que ceci peut arriver. Cette chronique, la dernière d’Avignon, aura été la plus difficile à écrire. Mais finir le festival sur cette note, c’est aussi finir Avignon sur ce qu’il a de plus inoubliable.
Joëlle GAYOT