Il m'est souvent arrivé d'imaginer que la France, un jour, pourrait ressembler à l'Egypte actuelle : un territoire vidé de ses bâtisseurs, simple réserve d'électeurs formatés pour le consumérisme, où subsisteraient quelques ruines grandioses, restes d'un passé effacé, presque mythique.
Tragique destin d'un pays, qui par invasion perd sa langue, renie ses origines, oublie son histoire et laisse effriter les demeures et les temples élevés par des siècles de persévérance et de foi.
Cassandre, direz-vous ?
Tous les poisons secrétés par la décadence nous ont été versés depuis plus de quarante ans, et nous les avons bus docilement : amenuisement, voire suppression des " humanités". Puis dédain de notre langue et de notre littérature. Refus des sources grecques, latines et chrétiennes de notre civilisation. Puis effacement programmé de notre histoire, tout récent. Du passé table rase !
Restait le passé tangible et visible : notre patrimoine. Négligé très souvent, abandonné parfois, on lui consentait, par un reste d'honneur et de mémoire, un modique budget : celui que les enfants parvenus mais ingrats sont obligés de verser à leurs parents pauvres. Assez pour que le "tourisme", mot détestable, apporte à l'Etat de quoi poursuivre ses gaspillages. Mauvais propriétaire, par l'imposition il ôtait à d'autres les moyens de maintenir l'héritage.
Or, l'Etat d'aujourd'hui est perdu de dettes. Ce que font le mauvais père de famille, ou le mauvais entrepreneur, avant de se pendre, il s'y livre : il vend les meubles, puis les terres, puis les murs.
Cassandre, le direz-vous encore ?
Hôtel Lambert, hôtel de la Marine, renseignez vous. Exemples parisiens, parmi tant d'autres, en province plus facilement passés sous silence, ils nous révèlent quel sort attend nos monuments historiques, ceux qu'on veut "confier" à des villes elles aussi endettées, ou à des maires si méritants pourtant, de campagnes en désertification. A défaut aux antiquaires, ici, et ailleurs.
Quant à ceux qui ne remplissent pas les critères de rentabilité chers aux commissaires de Bruxelles, ceux ci aviseront.
Mais, direz-vous, c'est déjà grande pitié : manoirs démantelés, expatriés en pièces détachées, lavoirs asséchés, chapelles mangées de ronces, cheminées effondrées......
.... A la sortie du Fouquet’s, à votre bon cœur, mesdames, messieurs ! Quelques sous pour ces braves gens qui, envers et contre tout, à mains nues, par la pluie, par le vent, par la canicule, s'acharneront à sauver ces témoins de pierre que nos ancêtres surent si bien nous léguer.
Françoise Buy Rebaud, 26 janvier 2010