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2 octobre 2014 4 02 /10 /octobre /2014 05:44
Il est de nouveau question de l'Hôtel de la Marine
 
Nos lecteurs se souviennent de l'émotion soulevée lorsqu'il fut question de vendre le prestigieux Hôtel de la Marine à un promoteur immobilier .
Ce conflit  serait il près s'éteindre , et ce témoin de notre Histoire connaitra t il un destin digne son passé ?
Nous attendrons encore avant de nous prononcer sur les décisions annoncées , mais un rappel s'impose .
Retrouvez l'Hôtel de la Marine dans nos précédents articles .
 
FBR Octobre 2014
 
 
Hôtel de la Marine : Plus qu'un mois avant la fin de l'appel à projets
 
29707.jpg 
crédits : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU 
 
L'état-major de la Marine nationale est à louer et les investisseurs intéressés par le superbe immeuble de la place de la Concorde ont jusqu'au 17 janvier pour répondre à un appel à projets lancé en prévision du déménagement de l'EMM. Les marins doivent, en effet, quitter la Rue Royale pour rejoindre le nouvel immeuble où le ministère de la Défense compte regrouper ses composantes parisiennes. Installé à Balard, dans le 15ème arrondissement de la capitale, le « Pentagone à la française », ou « Balardgone » comme on le surnomme chez certains militaires, devrait être opérationnel, au mieux, en 2014. A cette date, les marins devront avoir quitté l'Hôtel de la Marine. Classé monument historique, l'immeuble devrait faire l'objet d'un bail de 60 à 80 ans, rapportent nos confrères du journal Le Télégramme.
Considéré comme l'un des chefs d'oeuvre de Jacques-Ange Gabriel, architecte de Louis XV, l'Hôtel de la Marine a été édifié de 1757 à 1774 pour servir de garde-meubles de la Couronne. Doté d'une façade identique à celles des hôtels Crillon et Coislin, dont il est séparé par la rue Royale, le bâtiment abrite le haut commandement de la marine française depuis 1789. A ce jour, près de 1000 personnes y travaillent, dont 200 civils. L'édifice compte 552 pièces et une surface habitable de 24.000 m2.
(Source : Mer et Marine )
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L'Hôtel de la Marine
 
2, place de la Concorde (autrefois place Louis XV )
 
   hm_003.jpgCommencée en 1757, sur un projet de Gabriel ,elle avait alors la forme d'un octogone bordé par un fossé de 20 m. de large , avec à chacun des angles un petit pavillon .A son achèvement en 1772, Gabriel construisit sur le côté nord  les deux palais jumeaux initialement prévus pour le logement d'ambassadeurs de marque ; ces deux palais de 96 m. de long et 25 m.de h.présentent en façade un portique de douze colonnes d'ordre corinthien .
 
L'hôtel de la Marine ,situé au n°2 ,  servit  dès son achèvement de Garde Meuble de la Couronne, et Marie Antoinette y eut son pied à terre de 1784 à 1788  (n.b. les commissaires de la République  voulurent assister depuis les fenêtres de ce petit appartement au supplice de la Reine  ) . Quand la Cour revint à Paris en octobre 1789, le Comte de Luzerne de Beuzeville  y installa les services de son Ministère de la Marine .
 
Lors du sac  en 1792 du Garde Meuble les diamants de la Couronne  disparurent. Ce trésor  avait été constitué par François 1er puis ses successeurs  et   déclaré inaliénable .Une faible partie seulement fut retrouvée ,  dont le "Régent " sous des gravats avenue Montaigne  , le "Sancy " et le rubis( Spinelle ) d'Anne de Bretagne , à Hambourg  . Le "Diamant Bleu " reapparut en 1812 à Londres ; acheté par un banquier de la ville, Hope , il est aujourd'hui à Washington .A l'initiative de B.Raspail , le tout fut mis en vente en 1887 ,  sauf le "Régent  ", actuellement au Louvre , où on peut admirer aussi le "Sancy " , racheté par les Musées de France en 1978 .
 
 Le bâtiment accueillit sur son toit , depuis l'Empire jusqu'en 1818 le télégraphe de Chiappe qui  le reliait à  Brest .Devenu ambulance en 1870 , il faillit subir le même sort que le Palais des Tuileries sous la Commune . Il est resté jusqu'à maintenant le Ministère de la Marine .
 
Dans le palais jumeau au n° 4 , propriété de la famille Crillon jusqu'en  1807 , vécut Chateaubriand , de 1805 à 1807 ; en  l'absence du duc sous l'émigration ,  il devint hôtel meublé de 1803 à 1812 ( hôtel de Courlande ) , résidence quelques temps de l'Ambassade d'Espagne .  Transmis en 1835 par le duc de Crillon à sa fille duchesse de Polignac, il fut vendu en 1907 à la Société des Magasins du Louvre  . Alors commencèrent ses malheurs : si la façade et le salon du rez de chaussée furent conservés , son aménagement en hôtel de luxe entraina  , entre autres dégâts , la dispersion des boiseries anciennes , sort qui pourrait être celui de son jumeau .
 
Les articles afférents sur notre blog , et le diaporama expliquent l'opposition indignée qu'a  soulevée ce projet.
 
F.B.R.
hm_000.jpgDans le dernier numéro de « Sites et Monuments », nous évoquions, sous la signature de Gilbert Galliéni, le devenir incertain du somptueux Hôtel de la Marine, œuvre majeure de Jacques-Ange Gabriel (1698-1782), premier architecte du Roi Louis XV, achevée par Jacques-Germain Soufflot, le concepteur du Panthéon.
 
Face aux inquiétudes grandissantes et légitimes quant au sort prochain de ce superbe édifice, souvent considéré comme le plus beau palais de Paris, tant par l’originalité de son architecture, par la qualité de ses décors intérieurs et de son mobilier, que par sa situation sur la prestigieuse place de la Concorde, nous avons consacré un dossier complet à ce haut lieu de l’Histoire de France, ancien garde-meuble de la Couronne, devenu depuis la Révolution le siège de l’Etat-Major des forces navales.
 
Les services de la Marine doivent en effet quitter les lieux en 2012, pour rejoindre le site de Balard, dans le XVe arrondissement, où seront réunies les diverses administrations de la Défense. S’il n’est plus aujourd’hui question d’aliéner cet édifice exeptionnel, partie intégrante du patrimoine national, marqué tant par la présence de la reine Marie-Antoinette, de ministres et de diplomates, que d’écrivains, de peintres et de savants, une telle « évacuation », programmée dans le cadre de la cession d’un bien national à un « repreneur » ou à un « exploitant », n’est pas sans poser le problème des responsabilités de l’Etat en matière de biens culturels.
 
Depuis le printemps dernier, le « brouillard » qui s’est installé autour de l’avenir de l’Hôtel de la Marine peine à se dissiper… Les projets qui se multiplient s’élaborent dans la plus grande opacité. Se résoudra-t-on à en faire un hôtel de luxe, une sorte de Villa Medicis-bis, un centre de conférences internationales, un musée consacré à l’histoire de la Marine, ou bien encore un musée de l’Histoire de France, projet évoqué par le président de la République qui a omis d’en préciser le lieu d’installation ? 
 
 
 
 

 

HOTEL DE LA MARINE : La profanation du Temple
 
Au moment où les élus s'interrogent sur «l'identité nationale», l'État, garant du patrimoine, veut brader l'hôtel de la Marine, emblème des valeurs françaises et maritimes, haut lieu de notre histoire.
 
On vend...
 
hm_010.jpgLe 8 mai 2009, tel Louis XVI inspectant la flotte rassemblée à Cherbourg, Nicolas Sarkozy accou rait à Toulon pour passer en revue les forces navales françaises et célébrer le débarquement de 1944, habit rouge brodé d ' or et lancer de pétales en moins. Ému par les exploits des alliés de la Seconde Guerre mondiale, le président de la République en appelait à la « mémoire vivante » de la France. Tout retourné, Momus se demandait néanmoins si quelque génie perfide ne lui avait pas soufflé des mots piégés. À l ' entendre scan der : « Ne pas oublier ! Ne pas oublier ! », le dieu de l ' ironie pensait à Louis XVI, roi si amoureux de sa Marine qu ' après avoir quitté Versailles il l ' avait installée, en décembre 1789, tout près de son palais, dans le prestigieux hôtel construit par Gabriel et par Soufflet, à quelques pas de la ter rasse des Tuileries. Et dire que notre président, chef des Armées, séduit par les démons de la ren tabilité, s ' était laissé entraîner volens nolem vers un projet de bourgeois balzacien, tenté par la spé culation immobilière !
 
19 ooo m2 place de la Concorde, 553 pièces, admi rablement situé au cœur de Paris, sur une place où se sont tissés plus de deux siècles de notre his toire, vue imprenable : pour être plus explicite, la « petite annonce » devrait mentionner que les centaines de pièces sont dénombrées grâce au découpage des locaux d ' origine en cellules exi guës, tout aussi « historiques » que les somp tueux salons (comme la chambre des frotteurs).
 
Le palais, de plus en plus déstructuré, est cepen dant resté, du xvme siècle à nos jours, un foyer d ' activités de l ' intelligence nationale et d ' initiatives mémorables. Pour une bonne affaire (on espérait en tirer entre 400 et 500 millions d ' euros), c ' en serait une. À tous les coups plus lucrative que la vente de l ' Imprimerie nationale, suivie d ' un rachat calamiteux, ou que la liquidation des hôtels Kinsky, de Fleury, de Montesquieu, de Croisilles et de Vigny. Rappelons à nos amis que ces deux der niers édifices, étourdiment affectés à la direction du Patrimoine en 1965 et 1982 pour abriter la bibliothèque de l ' Architecture et du Patrimoine, ont vu leurs collections aliénées à Charenton. Difficile de faire mieux dans le symbole.
 
On rase...
hm 012Le danger qui pèse sur l ' avenir de l ' hôtel de la Marine découle, comme chacun sait, d ' un grand projet présidentiel. Au début de l ' année 2008, le ministère de la Défense annonçait le regroupe ment des états-majors des trois corps d ' armée (Terre, Air, Mer), soit quelque 10 ooo personnes, dans un « Pentagone à la française ». En 2014, le chef d ' état-major et le millier de marins qui occu pent l ' hôtel de la place de la Concorde sont donc priés de lever l ' ancre pour atterrir dans le XVarrondissement, sur le site Balard, où les plus grands hydrauliciens français ont conçu les coques des meilleurs navires, au « bassin d ' essai des Carènes », œuvre exceptionnelle des frères Perret, promise à la destruction en raison de sa prétendue « vétusté » (???). L ' opération devrait coûter 600 millions d ' euros, dont 30 millions consacrés à la démolition. Sachant que le ministre de la Défense, Hervé Morin, présente l ' opération comme un « geste architectural majeur, digne du xxiesiècle et de la quatrième puissance militaire de la planète », Momus l ' ins crit d ' office sur la liste des candidats au GAGA d ' or (geste architectural de grande ampleur).
 
Le 6 janvier, le Conseil de Paris montait sur ses grands chevaux. Bertrand Delanoë demandait à l ' État de réfléchir à l ' inscription du bassin de gira-tion au titre des Monuments historiques et de mener une réflexion sur les autres bâtiments dignes d ' être conservés : sa lettre reste sans réponse. La presse entière tonitrue, La Tribune de l'art par quatre fois, Le Figaro, Libération, Le Monde ainsi que ejoumal des Arts1Les associa tions montrent les dents2. Les blogs s ' échauffent et crient au scandale : « Un Pentagone à Balard, voilà qui fait moderne ! Gageons que la langue de travail sera bientôt l ' anglais3. » Pierre Assouline crie son indignation sous le titre « Patrimoine, la grande braderie » 4. « Vendre l ' hôtel ou le céder pour une longue durée, serait comme vendre une partie du Louvre : c ' est inconcevable ! », s ' écrie un inspecteur général honoraire des Monuments historiques. Inconcevable? Conseillons à ce citoyen vertueux de se remémorer l ' exposition de la Cité de Chaillot « Le Grand Pari(s) », et d ' y consulter le projet du « Grand Grand Louvre ». Une vaste galerie commercial e serait creusée sous le palais. La même insanité avait été prévue sous la place de la Concorde par « Actions Mécénat », à qui Bouygues avait fourni l ' étude de faisabilité5. Dernière (grande) roue du carrosse, la rue de Valois, où les frères Perret sont déjà passés par profits et pertes, est frappée d ' amnésie, après avoir proclamé bannière au vent la nécessité de sauvegarder le patrimoine du xxesiècle.
 
Pour en revenir à la place de la Concorde, le ministère de la Culture fait le gros dos. À la demande présentée par un parlementaire à Christine Albanel pour associer les Amis de l ' hô tel de la Marine (ÂHM) à la réflexion sur l ' avenir de ce monument historique, l ' ancienne ministre donne un faux-semblant de réponse. Tout au plus applaudit-elle à la restauration des trois ou quatre salles (le salon des Amiraux, le salon d ' Honneur et les galeries qui les jouxtent) et du ravalement de la façade, entièrement financée par le mécénat de Bouygues, géant du BIP, sous la houlette de l ' ACMH Etienne Poncelet. Encore que les travaux entrepris, d ' une qualité irréprochable, ne repré sentent qu ' une infime partie de l ' immeuble (335 m2 sur 19 oo° m2) ' masquant ainsi la lourde tâche qui reste à effectuer.
 
On loue...
 
hm 015Face à la levée de boucliers contre l ' exploitation marchande d ' un bâtiment « construit par et pour l ' État », il n ' est plus question de vente. Ébranlé par la polémique, interrogé par Françoise de Panafieu, Hervé Morin répond dans leJ.O. qu ' il convient « de l ' intérêt historique et architectural unique » de l ' hôtel de la Marine. Qu ' à cela ne tienne ! À défaut de le vendre, on louera l ' immeuble « à des entreprises ou à des personnes privées » en lan çant « un appel à projets qui respectera nécessai­rement les protections patrimoniales6 ». Il s ' agira d ' un bail emphytéotique (99 ans), avance Éric Woerth, ministre du Budget. Or la location à un repreneur privé est aussi inacceptable qu ' une vente. Que « cette maison de famille, seul de nos palais occupé sans discontinuité depuis plus de deux siècles et dont on n ' a jamais rien vendu » ( Olivier de Rohan ) soit détournée de sa vocation, que l ' on introduise sur le marché le fleuron patri monial de la place de la Concorde, en d ' autres temps, c ' eût été une révolution et, hop, la guillo tine ! Vouloir créer un « musée de l ' Histoire de France », et profaner dans le même temps son temple, c ' est défier les lois de la raison, sauf à y loger ledit musée, solution qui permettrait le maintien in situ du prestigieux mobilier de la marine (voir page suivante).
 
Hervé Morin avait promis des « projets extrê mement ambitieux et culturels », et affirmé, croyant nous rassurer (!) qu ' il n ' était pas question de « désosser l ' hôtel de la Marine ». Le discours géné ral est à la rentabilisation des monuments, trop lourds à entretenir, et à l ' accessibilité du public à des lieux fermés sur eux-mêmes, isolés dans l ' espace de la ville, de façon à en faire des pôles d ' attractivité. Pourquoi pas, à condition que les travaux prévus ne déshonorent pas les monu ments qu ' ils souhaitent « valoriser » ? C ' est le cas d ' un autre bâtiment majeur, la Monnaie de Paris, qui sera toilettée par l ' architecte Philippe Prost, dont le projet a été présenté au public fin 2008 pour une ouverture prévue en 2011.
 
Il en va différemment pour l ' hôtel de la Marine, dont les résultats du concours sont encore dans les limbes et dont le coût des travaux sera sup porté par un privé (à l ' inverse de la Monnaie de Paris qui finance elle-même sa restauration). Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre aujourd ' hui dans la sphère du privé, probable­ment inspiré par Georges Tron -député UMPde l ' Essonne et auteur d ' un rapport d ' information.
 
Voir www.momus.fr 
 

 

 

Les richesses de l’Hôtel de la Marine
 
hm_016.jpgCréé par les meilleurs architectes et décorateurs du siècle de Louis XV, face à l’une des plus prestigieuses places de Paris, cet imposant hôtel constitue, depuis son ouverture au public en 1775, un véritable emblème national. Depuis la visite que Joseph II, empereur germanique et beau-frère de Louis XVI, y fit le 2 mai 1777, jusqu’à la grande exposition commémorant le Bicentenaire de la Révolution, il n’a cessé d’être au cœur des évènements de notre pays, comme l’ont rappelé - et même révélé – à cette occasion de nombreuses pages d’histoire. De la fin du XVIIIe siècle à la première partie du XXe, l’administration centrale de la Marine y était en effet plus civile que militaire. Aussi ne doit-on pas s’étonner que dans ses murs ait été élaborée l’abolition de l’esclavage par le ministre François Arago – grand savant et grand humaniste – et par le secrétaire d’Etat Victor Schoelcher. On remplirait des volumes du récit des grands évènements qui, pendant plus de deux siècles, ont donné âme à l’Hôtel de la Marine.
 
Quel que soit le type d’aliénation du monument auquel songent les services financiers de l’Etat, un abandon par la puissance publique serait incontestablement perçu comme une forme de mépris de notre histoire. Par ailleurs, au moment où les urbanistes déplorent que l’habitat contemporain ne facilite pas la mixité sociale, il n’est pas inutile de rappeler que ce vaste édifice offre un témoignage unique de réunion sous le même toit – dès le temps de Louis XV – de logements destinés à des individus de classes sociales très diverses.
 
Les appartements du piano nobile, au-dessus de l’entresol, sont bien connus pour la qualité et la somptuosité de leur décor, remontant à la fin de l’Ancien Régime. L’ancien salon de compagnie de Lemoine de Crécy, garde général du Garde-Meuble de la Couronne, est devenu en 1789 bureau du ministre de la Marine, et en août 1792 celui de Gaspard Monge. Bien que divisé en trois, il a conservé l’essentiel de ses décors d’origine, en particulier ses dessus-de-porte de Jean-Baptiste Pierre, premier peintre du Roi, et sa belle cheminée en brèche de Sienne, surmontée de son trumeau. Quant à la salle à manger où, en 1792 et 1793, se réunit occasionnellement le gouvernement de la Première République, elle servit sous le Premier Empire aux réunions du Conseil de la Marine. Séparée en deux bureaux et un passage obscur, elle a également conservé sa cheminée, ses huisseries et ses lambris d’appui. Son mobilier, dû à Jacob, se limitait à une chaise branlante et à des fragments altérés et détachés. Il a été reconstitué en 1979 pour meubler la partie de l’ancienne Grande Galerie dont Napoléon III et la Troisième République avaient fait deux salons, récemment restaurés grâce au mécénat de l’entreprise Bouygues. Des cloisonnements ont, là aussi, modifié le volume des salles, mais l’une d’entre elles – donnant sur la rue Royale – a conservé ses huisseries, ses peintures de l’école d’Oudry et une partie de ses lambris.
 
Voilà ce que l’on connaît généralement de l’Hôtel de la Marine et qui, non seulement mérite de subsister, mais devrait faire l’objet d’une restauration attentive. Il conviendrait cependant d’étendre ces travaux à des appartements moins prestigieux, mais évocateurs du travail des employés de l’Administration publique. Le bureau de Guy de Maupassant, restauré dans les années 1980, pourrait-il ainsi s’intégrer de façon cohérente à une série d’intérieurs caractéristiques de la vie des fonctionnaires de la Marine. On évoquerait à cette occasion de nombreux autres hommes de culture tels que Prosper Mérimée ou l’éditeur Hetzel – bien connu pour ses liens avec Jules Verne et avec Victor Hugo – sans oublier les savants, membres de l’institut de France, et les artistes tels que Louis-Philippe Crépin, peintre de la Marine, qui y eut son atelier.
 
Situé au deuxième étage, dans un secteur totalement méconnu des visiteurs privilégiés, l’appartement du baron de Pont-l’Abbé, lieutenant-colonel de la garde constitutionnelle de Louis XVI, recèle un précieux salon, restauré en 1980 dans son état exact de 1788, tant dans son ameublement que dans ses soieries, moquettes et velours spécialement retissés pour l’occasion. Il faut regretter que ces travaux n’aient pas été poursuivis dans les autres pièces de l’appartement, bien que le projet en ait été présenté par MM. Collette, Architecte en chef des Monuments historiques, et Prévost-Marcilhacy, Inspecteur général, alors chargés de l’édifice. On doit d’autant plus le regretter que certains indices tendraient à y voir le lieu de réunion d’une loge maçonnique, antérieur aux aménagements des 1789. La famille de Louis XV vint aussi à diverses occasions dans cet appartement dans lequel – chose étonnante - se trouvait comme enclavé celui d’un modeste secrétaire du Garde-Meuble. A cette époque coexistaient en effet dans l’édifice d’assez nombreux logements populaires, tant à l’entresol qu’au troisième étage ou dans le bâtiment arrière, donnant sur la cour des ateliers, voisinant avec des espaces dont la qualité du décor était comparable à celle des petits appartements de Versailles !
 
hm_018.jpgCe simple aperçu suffit à montrer que les salons dorés qui donnent sur la majestueuse colonnade et la place de la Concorde ne sont pas, tant s’en faut, les seules salles historiques de l’Hôtel de la Marine. Pour être complet, il faut aussi mentionner le boudoir où fut signé le procès-verbal de l’exécution de la reine Marie-Antoinette, également restauré par l’Etat, et la chambre dite de Marie-Antoinette dont le décor de 1770 a été légèrement retouché vers 1817 pour la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI et belle-fille de Charles X. Restaurée avec le plus grand soin au début des années 1990, cette dernière pièce a été en partie remeublée grâce au concours de l’Association des Amis de l’Hôtel de la Marine. On ne saurait oublier enfin le cabinet des glaces, bijou de l’art décoratif français, qui a fait, lui aussi, l’objet d’une parfaite restauration.
 
L’Hôtel de la Marine représente enfin un témoin essentiel dans l’évolution de l’architecture française au Siècle des Lumières, à propos duquel se sont affrontés esthètes, architectes et urbanistes, mais aussi courtisans de la puissance publique, tenants de la puissance municipale, sans compter les spéculateurs et promoteurs immobiliers, de même que les hauts commis de l’Etat attentifs à limiter la dépense publique. Ne se trouvait-on pas alors au temps des Encyclopédistes ?
 
Louis XV eut à imposer ses vues dans un univers d’intrigues presque inextricables. Il eut une peine infinie à faire prévaloir la thèse selon laquelle la ville ne devait plus rester figée dans les conceptions remontant au Grand Siècle. Le grand Jacques-Ange Gabriel, son Premier Architecte, dut lui aussi s’adapter à ces principes nouveaux. On doit reconnaître qu’en dépit des altérations subies depuis sa création, la Place de la Concorde exprime, entre les Tuileries et les Champs-Elysées, entre la Seine et le pied de la colline de Montmartre, une conception renouvelée de la ville. Il ne s’agit plus de zones réservées, faites de ruelles et de jardins privés, de cloîtres et de places de village, mais de secteurs aérés, ouverts à la circulation et à l’expansion.   
 
 
Jean Ducros, Secrétaire général de l’Association des Amis de l’Hôtel de la Marine
 

 

 

 

N'oubliez pas de visiter cet excellent site pour plus de détails.

 

                                                                            ***                              

Par VINCENT NOCE Journaliste à «Libération»,

 

 Les nouvelles les plus alarmantes ont repris sur l’Hôtel de la marine, somptueux immeuble place de la Concorde qu’Hervé Morin cherche par tous les moyens à céder à un investisseur, Alexandre Allard, pour le transformer en palace. L’état-major doit vider les lieux en 2014. Ayant embauché un ex-ministre de la Culture, ami de Morin, Donnedieu de Vabres, Allard a déjà mis la main sur le Royal-Monceau, où il s’est illustré en organisant en préalable à la destruction de l’intérieur de l’hôtel une demolition party au cours de laquelle un millier de personnalités étaient invitées à tout casser dans les étages. Au moment où il entend redonner ses lettres de noblesse à l’identité nationale, le gouvernement ne pouvait trouver meilleur partenaire pour lui confier les clés d’un bâtiment constitutif de l’histoire de la nation !

 

hm_001.jpg   La vente de l’Hôtel de la marine ayant été exclue, Morin voudrait le céder pour un bail emphytéotique (de 18 ans à 99 ans). Quitte à modifier la loi sur l’urbanisme, à la demande de l’investisseur, pour lui permettre de défiscaliser son bénéfice, et de faire garantir son emprunt bancaire par l’Etat. «Entre caprice et désinvolture», écrit l’historien de l’architecture Alexandre Gady (1), le patrimoine est «devenu une variable d’ajustement budgétaire». L’Etat a vendu une dizaine d’hôtels particuliers dans les quartiers anciens de Paris, dont celui du prince Roland Bonaparte, avenue d’Iéna, où s’ouvre d’ici à la fin de l’année un autre hôtel de luxe, le Shangri-La. On parle d’installer des paradoresdans des monastères ou châteaux, comme en Espagne.

 

Ces initiatives ne sont pas scandaleuses, tant que le patrimoine est sauvegardé. L’Etat ne peut tout prendre en charge. Tout n’est pas muséifiable. Mais l’Hôtel de la marine ne constitue pas un patrimoine comme un autre. Il a toujours eu une fonction régalienne. Une pétition a ainsi recueilli plus de 1 500 signatures, demandant à «préserver son intégrité» en le gardant «au service de la nation». Comptant 553 pièces, sur près de 25 000 mètres carrés, ce palais est le pendant de l’hôtel de Crillon, rue Royale. Il avait été commandé par Louis XV à son architecte Ange-Jacques Gabriel pour accueillir les collections de la couronne. Bien avant le Louvre, il fut le premier musée parisien : des galeries étaient aménagées à la visite dès son ouverture, en 1774. La guillotine a tranché force têtes, dont celle de Louis XVI et de Marie-Antoinette, devant ses fenêtres. En 1836, Louis-Philippe assista du balcon à l’érection de l’obélisque. En 1848, l’acte d’abolition de l’esclavage fut signé dans ses murs.

 

«Il est tout entier et authentiquement l’histoire», écrit encore Gady. Il a conservé ses peintures, gravures et meubles depuis l’Ancien Régime, ainsi que le décor de ses galeries et salons, qui viennent d’être restaurés grâce à un mécénat de Bouygues, sous l’égide du ministère de la Culture. Même si Frédéric Mitterrand n’est sans doute pas très favorable à sa transformation en gîte pour milliardaires, il pointe une difficulté : qu’en faire ?

 

Or, un autre débat s’annonce sur le champ culturel, qui risque de perturber un autre projet présidentiel. Le ministre de la Culture envisagerait un chantier de prestige pour le musée de l’Histoire de France cher à Sarkozy. Le projet est porté par Jean-François Hébert, qui a su apaiser la communauté intellectuelle. Mais, à grand projet présidentiel,Mitterrand voudrait une grande installation. Il songe à l’île Séguin, dont l’aménagement est confié à Jean Nouvel (oui, le même qui a ruiné la muséographie du Quai-Branly), décidément grand maître de l’architecture officielle. Comment, dans un pays aussi centralisé, justifier un musée de l’Histoire à l’écart de la capitale, sans tenir compte des difficultés posées par ce site excentré et mal desservi ? Si l’on sort des calculs, de personnes et d’intérêts, la vérité est que l’Hôtel de la marine aurait toute la capacité et la légitimité historique pour l’accueillir. Sans compter que, en termes d’images, la multiplication des grands projets semble difficilement défendable, à l’heure des restrictions budgétaires. L’Hôtel de la marine peut constituer une première réponse à ce dilemme, qui, s’il n’y prend garde, pourrait placer le gouvernement dans une position difficilement tenable.

 

(1) Cf. le Mensuel «L’Estampille, l’objet d’art», de décembre 2009.

 

Nous reproduisons ici l'article précédent, concernant l'Hôtel de la Marine, pour la qualité de son information sur ce point précis et uniquement celui-ci

 

On Avait déjà sonné le tocsin !

 

Adrien Goetz : "Il faut aussi soigner l'âme, l'architecture intérieure"

 

 

En France, la préservation du patrimoine ne semblait pas être un sujet de débat ou de polémiques. N'est-elle pas en train d'en devenir un ?

 

Adrien Goetz : Dans la dernière loi de finances, on a vu arriver, caché, un article prévoyant que les monuments appartenant à l'Etat puissent être transférés aux collectivités territoriales et qu'ensuite l'Etat exercerait un contrôle sur ces biens patrimoniaux pendant seulement vingt ans. Après quoi les collectivités deviendraient libres d'en faire ce qu'elles veulent, pourquoi pas de les vendre. Cette disposition a été annulée par le Conseil constitutionnel. Un groupe de députés de la majorité vient, derechef, de formuler une proposition de loi en ce sens. C'est grave. C'est la première atteinte portée à l'inaliénabilité du patrimoine français. On commence avec les monuments, on continuera avec les musées. Le système est astucieux. L'Etat ne se désengagerait pas immédiatement, c'est une braderie lente. Que les collectivités gèrent des monuments, cela n'a rien de scandaleux, encore faut-il qu'elles en aient les moyens. Dans le système actuel, les monuments rentables et ceux qui ne le sont pas s'équilibrent. Là, on ouvre la porte à une sorte de "patrimoine business".
 

Il y a pourtant déjà des monuments gérés par des collectivités.

 

En y regardant de près, on peut justement concevoir des inquiétudes pour l'avenir, si cette proposition de loi est acceptée. Prenons l'exemple de la Maison carrée de Nîmes, gérée par la municipalité. Elle a été transformée, avec l'aide d'une société privée, en un cinéma en 3D qui raconte la vie des grands hommes de la ville, dans un petit film d'une demi-heure. Ce bâtiment est un chef-d'oeuvre insigne, le seul temple antique ayant conservé sa couverture, avec le Panthéon de Rome, un vestige qui appartient au patrimoine universel. Il est désormais dédié à la promotion de Nîmes. Voilà ce qu'on fait, par souci de rentabilité, au lieu d'expliquer aux visiteurs l'architecture romaine. Aujourd'hui, l'intérieur de la Maison carrée, coffré en toile rouge, ressemble à un cinéma de quartier.

 

Comment s'y opposer ? Le livre que vous avez dirigé, "100 monuments, 100 écrivains, histoires de France" (Ed. du patrimoine, 488 p., 850 illustrations, 80 euros) était-il un geste en ce sens ?

 

Le hasard a fait qu'au moment où cet article était introduit dans la loi de finances, j'avais proposé à cent écrivains de divers horizons et générations de défendre cent monuments français, ceux dont s'occupe le Centre des monuments nationaux. J'ai été étonné devant le nombre de réponses enthousiastes. J'aurais pu faire deux volumes au lieu d'un. Nos monuments sont l'identité de la France, au sens de Fernand Braudel, au vrai sens de l'expression. Et les écrivains d'aujourd'hui, les jeunes, sont prêts à reprendre les combats des écrivains français de l'époque romantique, de Victor Hugo, de Charles Nodier, de Prosper Mérimée... Ces monuments, dans toutes les régions, sont la meilleure manière d'accéder à l'art, de faire découvrir l'architecture, la peinture, la sculpture, les jardins. C'est une magnifique porte d'entrée à la culture, ce qui, évidemment, n'est pas nécessairement rentable. Je déteste entendre dire, de manière négative : "Cela va devenir un musée." Les musées et les monuments sont les lieux les plus vivants qui soient pour l'imaginaire.

(...)

 (Source : Le Monde 17 avril 2010)

 

 

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