Selon Beaudelaire , la critique doit être partiale , passionnée , politique.
Qu"on me pardonne donc les lignes qui suivent : dans le respect de ce précepte ,elles ne rejoignent pas la monocorde doxa des jours qui ont suivi le décès de Pierre Boulez.
Partialité et politique , justement , semblent avoir conduit toute la vie du personnage.
Boulez fut taiseux quant à son enfance (il est né en la charmante Montbrison en Forez , dans la garnison de gendarmerie ), prolixe sur ses créations sonores , assurément "innovantes", malheureusement ni esthétiques , ni émouvantes ,le plus souvent abstraites et techniques.
musique dialogue de l'ombre double.
Esprit mathématique , percevant la puissance nouvelle de l 'informatique , il a utilisé l'ordinateur comme Picasso le fractionnement de l'image , avec la même réussite dans la subversion des snobs .
Picasso avait auparavant admirablement dessiné et peint ; il n'est pas sûr que le label Boulez éveille , dans un futur proche ou lointain , la même admiration ,Car cet et homme a su , par la puissance d'un ""ego""exceptionnel, capter prébendes et faveurs , et par un entregent rare construire un empire personnel , réduisant au silence toute autre conception musicale . Il a de ce fait non pas marqué son siècle , mais en a utilisé la mentalité .
Rien d'étonnant de la part de celui qui considérait Berlioz comm un "gratteur de guitare"et décrétait que "si Schubert n"avait pas vécu ,la musique n'aurait rien perdu " :ces propos dévoilent une absence totale de sensibilité : le bouleversant Schubert n"a certes jamais fait fortune , mais ses Lieder se chanteront encore quand la troisième sonate pour piano aura épaissi la poussière des cartons.
Au pupitre ,(il était autodidacte de la direction) , pour se démarquer du cabotinage de certains ,ou par raideur native , Boulez restait plus que discret : statique , le visage lisse, comme étranger à la partition . Les harmonies , riches ou subtiles , ne semblaient pas l'habiter , mais émaner des seuls musiciens , qui ,comme l'a dit un premier violon , ""se dirigent eux même par osmose "".On songe au visage expressif et mobile du tant regretté Ievgeny Mravinski, et au génial et passionné Karajan , soulevant son orchestre en une ardente communion.
C'est néanmoins dans cette activité qu'on peut reconnaitre à Boulez un talent: celui de paraitre .
En fait on ne peut accorder à ce phénomène aucune filiation , tant il a reconnu puis renié de prédecesseurs , Debussy , Stravinski, Messiaen ,qui lui fit obtenir un diplôme d'harmonie , sans pour autant qu'on décèle en lui quelque ressemblance , pas plus qu'avec avec ceux de l"Ecole de Vienne .
Char, Mallarmé, Kafka, Kandinsky l'interessaienrt, et il s'entendait mieux avec leurs oeuvres , qu 'il ne respectait pas toujours , qu'avec les siennes, modifiées sans cesse.
Intransigeant , il se brouilla avec Malraux qui avait préféré Landowki pour la restructuration de la musique et de l'Opéra , partant bouder à Baden Baden, comme ensuite avec Pompidou, pourtant son donateur du coûteux IRCAM, mais il était apparenté à J.Lang par une certaine tournure d'esprit politique.
Pierre Boulez "Inaudible et tyrannique, ils le détestaient tous," a titré un journaliste non conformiste.
Mais l"avenir seul décide de l'authenticité des génies et de la pérennité de leurs oeuvres .
fbr. Le 15 janvier 2016