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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 10:40

 
lambert 0924   Au N° 2 de la rue Saint Louis en l'Ile, construit en 1642 par Le Vau pour le trafiquant J.B.Lambert , compromis dans le procès  de Fouquet ,  il fut acquis  en 1732 par le fermier général Dupin ( un des ascendants d'Aurore ,  devenue  G.Sand )  , puis  en 1739 par le marquis du Châtelet (époux de la fameuse Emilie ) et  enfin par le fermier général de la Haye  en 1745, qui le fit restaurer pour un million de livres.

Le Brun et Lesueur avaient travaillé cinq ans à la décoration  interieure ; certaines peintures de Lesueur furent vendues par ses héritiers au roi (on peut les voir au Louvre ). Confisqué à la Révolution , restitué et devenu propriété du comte de Montalivet , qui préleva les boiseries peintes par Lesueur pour orner son chateau du Berry , l'édifice tomba ensuite aux mains d'un entrepreneur de fournitures militaires  qui transforma la Galerie d'Hercule en atelier  de matelasserie , avant de le vendre au prince Adam Czartorisky .

Banni de son pays en 1831, réfugié en France , il restait le chef de l'immigration polonaise ; son épouse acheta pour 175 000 francs (dont une surenchère sur l'offre de la ville)  ce magnifique bâtiment  , qui devint alors  un centre de rayonnement culturel : s'y rencontraient Frédéric Chopin , Delacroix , Honoré de Balzac , Franz Liszt et le poète Adam Mickiewicz ; le prince y mourut en 1861. Classé monument historique en 1862  puis divisé en appartements (dont un occupé par M.Morgan )  , acheté en 1975 par un membre de la famille Rothschild, il a été revendu en 2007 à un parent de l'émir du Quatar.

 
Les aménagements prévus par celui ci (parc à voitures creusé sous le jardin avec porte sur le quai  , ascenseurs , etc. ) ont suscité un mouvement de protestation repris et dirigé par l'Association pour la sauvegarde et la mise en valeur du Paris historique , qui recueillit 7 450 signatures  ,  dont celles de J.P.Babelon ,  J.F.Cabestan , A.Decaux , M.Déon , M.Gallo ,M.Fumaroli ,  J.d'Ormesson ; la bataille juridique vient d'aboutir en janvier à un compromis , dont on aimerait connaitre les clauses .

 
L' hôtel le mérite bien  , pour ce riche passé  , et par sa beauté : portail à voussures , cour d'honneur ovale , escalier de pierre à double départ ,étage à grandes baies entre pilastres ioniques, et côté quai la rotonde  , que longe un  balcon  .La façade sur jardin présente un attique. Wikipedia  et Google en proposent des plans  , des dessins , des photos et videos.

C'est une des plus belles demeures privées du XVII° siècle , qui  en tant que telle ne fut pas fréquentée comme un musée , mais l'occasion se présentait  peut être de demander une autorisation   de visite contrôlée  certains jours , non certes !  des appartements , mais  du jardin et de la galerie d'Hercule. Celle ci est ornée de magnifiques fresques de Le Brun , qui auraient été restaurées par E. Delacroix en 1842  ;  ce droit d'admirer une  petite partie d'un   élément de notre patrimoine national  eut été infiniment apprécié .
 Mais enfin , il  est (peut être ?) sauvé.

Quant aux autres .....?   

 

FBR

 

 

La restauration dans les règles de l'art d'un monument historique à usage d'habitation est une aventure délicate. Apporter un confort dernier cri à un édifice classé peut porter atteinte à son intégrité patrimoniale. Gommer les strates de l'Histoire pour revenir à un état initial supposé de l'édifice, c'est aller contre la charte de Venise (1964), qui préconise de conserver les traces de son évolution. Ces problématiques, l'affaire de l'hôtel Lambert vient de les éclairer brutalement.

 

Les travaux envisagés sur ce joyau du XVIIe siècle, bâti à la proue de l'île Saint-Louis à Paris par Louis Le Vau - qui a agrandi Versailles - pour Jean-Baptiste Lambert, secrétaire de Louis XIII, ont été très contestés. Après douze mois de polémique et un jugement au tribunal administratif qui annula l'autorisation ministérielle, l'affaire s'est soldée par un compromis. Un cas exemplaire qui pose les limites d'une intervention sur un édifice classé monument historique.

 

 

Revenons sur les faits. Le protocole d'accord, signé le 22 janvier, entre le ministère de la culture, la Mairie de Paris, le propriétaire de l'hôtel Lambert, représenté par Cheikh Hamad Al-Thani, neveu de l'émir du Qatar, et l'association Paris Historique, met fin au contentieux. Le projet initial de réhabilitation qui prônait un retour à l'état supposé du XVIIe avec une modernisation très pointue du confort intérieur, jugé trop brutal, a été sérieusement amendé.

 


Le prestigieux Hôtel Lambert situé à la pointe de l'Île Saint Louis va connaître trois ans de travaux pour retrouver son faste. Nous avons visité les lieux à l'occasion d'une réception organisée par le prince Hamad Al Thani, frère de l'émir du Qatar.

Préciser le détail du compromis est révélateur. Le propriétaire a renoncé au parking souterrain et à l'ascenseur à voitures sous la cour d'honneur. Les conduites techniques passeront sous les planchers, sans affecter les décors - certains signés Le Brun et Le Sueur. Le cabinet XVIIe au plafond historié garde sa cheminée. Il ne sera pas transformé en salle de bains... mais il accueillera un ascenseur pour desservir le sous-sol.

 

La galerie néogothique de Jean-Baptiste Lassus, aménagée au XIXe par le prince Czartoryski, où se réunissait le Paris romantique avec Chopin et Delacroix, sera finalement préservée. Le parapet du jardin suspendu, qui souligne la courbe du fleuve, ne sera pas rehaussé ; enfin, moins de 10 % des pierres de la façade et non 40 % comme il était craint, seront changées.

 

Tout avait commencé sous les meilleurs auspices. En juillet 2007, le baron Guy de Rothschild, qui l'occupait depuis trente ans, vend l'hôtel Lambert au frère de l'émir du Qatar, que l'on dit grand amateur d'art français. Le propriétaire qatari est prêt à mettre le prix nécessaire à une restauration exemplaire - qui pourrait atteindre 40 millions d'euros.

 

 A l'ampleur des travaux envisagés par l'architecte en chef des monuments historiques, la Commission du Vieux Paris - commission municipale centenaire - répond par un avis défavorable. Bertrand Delanoë, maire de Paris, alerté, émet des réserves. Christine Albanel, alors ministre de la culture, accepte le projet, avec des modifications. Celles-ci sont jugées insuffisantes par l'association Paris Historique, qui obtient gain de cause devant la justice... et ainsi de suite jusqu'au compromis.

 

 


polemique hotel lambert
envoyé par sauvons-lhotel-Lambert. - L'info internationale vidéo.


Les experts du patrimoine sont montés au front, relayés par les sommités des arts et des lettres et la vox populi, jusqu'à faire mouche. La mobilisation populaire, de tout bord, s'est illustrée par une pétition de 8 000 signatures : du simple citoyen à l'académicien, jusqu'à Michèle Morgan, qui y habita, comme le claironnaient les Bateaux-Mouches. Par sa position en balcon sur la Seine, ce fleuron du Grand Siècle est chéri des Parisiens. Il ne se dérobe pas entre cour et jardin comme le dicte l'usage, mais exhibe sa galerie en abside, au su et au vu de tous.

 

 Si tous les feux étaient braqués sur l'hôtel Lambert, il n'en sera pas de même pour les monuments historiques dont l'Etat, en manque d'argent, cherche à se débarrasser - hôpitaux, tribunaux, prisons, ministères... comme l'hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris, bientôt libéré par l'armée et au sort incertain. Avec quelle éthique, selon quels principes, ces édifices seront-ils découpés, modernisés ? Au profit de tous, comme c'est le cas à Saint- Macaire (Gironde), dont les habitants se sont réappropriés leur cité médiévale ? Pour une poignée d'investisseurs friands de défiscalisation ? La décentralisation envisagée des monuments de l'Etat pourrait se terminer en vaste braderie.

 

Sur les cent édifices gérés par le Centre des monuments nationaux, vingt ont été choisis - dont les châteaux Bussy-Rabutin (Côte-d'Or), Carrouges (Orne), Cadillac (Gironde) - pour être aménagés, en partie, en hôtels et restaurants : il faut les rentabiliser. Quelle sera la doctrine en matière de sécurité, d'économies d'énergie, de respect des normes en vigueur ? "Transformer en bouteille Thermos une construction ancienne en l'isolant totalement c'est une hérésie qui condamne un bâtiment centenaire à une détérioration rapide", note Michèle Prats, vice-présidente d'Icomos France.

 

 Ce conseil international des monuments et des sites de l'Unesco a préconisé, en décembre 2009, la plus grande prudence et suggère des mesures d'exception pour le patrimoine. Une directive européenne laisse la liberté aux administrations d'écarter du champ les monuments "protégés".

 

Comme quoi l'affaire de l'hôtel Lambert soulevait de vraies questions.

 

LE MONDE | 06.02.10 |

 

 

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