Louis XIV et Napoléon hors programme
Par PIERRE LUNEL Professeur des universités
L’année dernière, on nous avait déjà fait le coup avec la «grande» réforme du lycée prévoyant de rendre optionnels les cours d’histoire-géo en terminale S. Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, qu’apprend-on cette année ? Qu’on boute hors des programmes deux bonnes vieilles idoles de la France, Louis XIV et Napoléon. Pas moins. Michelet et Victor Hugo doivent s’en retourner dans leur tombe ! Exit, les deux héros les plus connus de l’histoire de France. Expédiés aux oubliettes, et, dans un jargon qui donne froid dans le dos, relayés à des «éléments de compréhension contextuels» (sic !).
Laurent Wirth, inventeur de cette inestimable «réforme», mû sans doute par le désir, légitime, de «mondialiser» l’enseignement de l’histoire, signale avec candeur que «Louis XIV est… cité à cinq reprises dans les nouveaux programmes de cinquième» et que les civilisations africaines ne représentent «que 10% du programme». Cinq fois cité, quel honneur ! Les mânes de ce bon Louis XIV seraient mal venus de rouspéter. Quant aux fameux «10%» de Monomotapa et Songhaï, en classe de cinquième, cela fera tout de même 20 pages contre 8 attribuées au règne le plus long et le plus prestigieux de l’histoire de France ! Pour couronner le tout, ce qu’il reste du bon Louis ira se caser en queue du programme de cinquième, morceau qui n’est jamais abordé par les profs noyés dans les sempiternelles réunions de fin d’année. En quatrième, l’empereur, lui, n’est guère mieux loti qui se voit accordé à peine 4% du temps total de l’année. On ose à peine imaginer la portion congrue accordée à nos autres monarques… Déjà, dans la foulée du débat sur la réforme du lycée, décision avait été prise de remplacer la rubrique «la Méditerranée au XIIe siècle» par «la Civilisation rurale dans l’Occident chrétien médiéval, du IXe au XIIIe siècle». La rubrique initiale permettait d’aborder la question de l’islam dans un pays où il n’est rien moins que la deuxième religion la plus pratiquée.
L’interprétation qui vint immédiatement à la bouche des esprits polémiques fut la suivante : «L’école fait une croix sur l’islam !» Tout se passe sur ce sujet, mais aussi sur tant d’autres comme si les experts ne savaient brusquement réagir que sur le mode névrotique : on a conscience d’un problème, mais au lieu de l’aborder avec bon sens, on prend une décision précipitée. Résultat : où devraient régner le partage et le consensus, c’est la polémique, la levée de boucliers, l’emportement des tribus gauloises et finalement l’échec, le statu quo. Dans l’affaire qui nous occupe, parions qu’on aurait pu faire l’économie d’une nouvelle guerre civile et sortir de l’impasse en ouvrant certes les programmes sur d’autres civilisations que la nôtre, qu’elles soient chinoise ou africaine, en se dispensant d’estropier au passage deux des moments les plus significatifs de notre histoire nationale.
Dernier ouvrage : «la Manufacture des ânes», 2010, éditions de l’Archipel.
Nous publions ici, à simple titre d'information, cet article du député Christian Vanneste à propos de la réforme des programmes d'histoire
Ce passé qui nous anime.
La connaissance de l'Histoire est indispensable .C'est pourquoi il faut dénoncer avec force les errements actuels de son enseignement :
- repentance anachronique , oubli des périodes les plus déterminantes dans la définition de notre identité .
C'est ainsi que Louis XIV est prié de se faire oublier .
Or , cette quasi censure, c'est celle du Grand Siècle , de cette époque où la France , pour le meilleur et pour le pire , devient ce qu'elle est et rayonne davantage sur le monde .Le XVII ° siècle , c'est celui où se mêlent la rigueur et l'aventure, celle de Descartes qui part à l'assaut de la science , et celles du Maréchal de Villars , achevant le règne du Roi Soleil par l'éclatante victoire de Denain . C'est le siècle qui voit la France réveler ses meilleures qualités et ses plus grands défauts .Parmi ces derniers , la centralisation abusive , la vanité de certains comportements soulignée par Taine , le souci de la forme qui rend Racine moins accessible que Shakespeare , et le français moins pratique que le sabir atlantique .
Mais parmi les qualités , cette exigence de clarté et d'harmonie qui anime le classicisme ." Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément" selon l'idéal défini par Boileau .Dire beaucoup en peu de mots , avec une imparable logique .Séduire , émouvoir, plonger dans l'admiration non par la profusion , mais par la pureté des lignes et par la beauté de l'ordre .
Comment passer sous silence ce temps qui nous a faits ce que nous sommes , qui a suscité l'imitation , et aujourd'hui encore fait venir les Japonais en foule à Versailles ? Comment oublier " Tous les matins du monde ", ce dialogue entre le dépouillement janséniste et la pompe royale ? Comment ignorer Molière et le mariage réussi du comique et de l'élégance , de la lucidité profonde et du rire ravageur ?
L'âge classique , c'est le siècle de Louis le Grand célébré par Charles Perrault . C'est l'époque où la ligne droite ,la mesure , la raison des Bourbon s'opposent à la courbe , à l'excès , au bizarre des Habsbourg , et définissent l'esprit français .C'est le règne de l'art officiel , de l'Académie royale de peinture et de sculpture de Le Brun , du surintendant de la musique Lully , des Te Deum mêlant Dieu et l'Art dans un pays qui encore aujourd'hui n'a pas renoncé au Ministère de la Culture .
Mais le Siècle de marbre blanc n'est pas glacé , il vibre au contraire d'une énergie qui est à l'unisson d'une France conquérante , celle qui anime la querelle des Anciens et des Modernes , des admirateurs de l'Antiquité et des inventeurs des richesses de notre terroir .Les Fables
de La Fontaine contre les Contes de Perrault : quel trésor de belles-lettres , de bon sens et de bonne morale pour les têtes blondes et brunes d' aujourd-hui .La Princesse de Clèves qu'on voudrait exclure de l'enseignement et des concours , inaugure pourtant la riche veine du roman psychologique . L'esprit de finesse croise le fer avec celui de la géométrie chez Pascal , à la fois fulgurant écrivain et génial savant .
La liste des chefs d'oeuvre et des grands auteurs est longue , comme ce règne de soixante douze ans qui a duré plus que la III° République .De Dom Pérignom aux Gobelins , il nous a légué cette french touch de raffinement aristocratique que nous prenons tant de peine à dissimuler hypocritement, mais qui est universellement enviée.
Prendre conscience de ce qui constitue notre différence et explique parfois nos difficultés dans le monde d'aujourd'hui n'est rien d'autre que l'essentiel !
Un autre article sur le sujet la Depêche.fr