Qui connait encore l'auteur de l'Astrée ? Qui a trouvé , dans son manuel de littérature , le nom d'Honoré d'Urfé ? C'est pourtant cette famille , quittant son chateau fort des "Cornes d'Urfé " , plus exactement Claude d'Urfé , bailly et gouverneur royal du Forez après le rattachement du comté à la couronne , compagnon de François 1er aux guerres d'Italie , qui construisit en 1535 ce manoir Renaissance , dans une paisible plaine irriguée par une gracieuse rivière , le Lignon , sur le chemin des monts du Forez , eux mêmes donnant accès à ceux du Livradois et à l'Auvergne .
Ci dessous le portrait d'Honoré d"Urfé et son domaine
Au bas de la rampe d'honneur , un sphinx de pierre dirige les visiteurs vers la chapelle que les seigneurs du lieu , fervents catholiques , ont installée dans le parc à la française : on peut y rechercher les ombres de Céladon et d'Astrée sa dulcinée , se rafraichir dans un grotte à coquillages et fontaine qu'aurait aimée Madame de Maintenon ,et admirer quelques tilleuls centenaires
C'est en cette "Bâtie d'Urfé" ** qu'une sympathique troupe ( Compagnie Roumanoff ) donnait ces derniers soirs le Tartuffe de notre cher Molière
Certes vous n'êtes assis que sur les chaises d'un amphithéâtre improvisé dans la cour d'honneur, la brise du soir ébouriffe vos cheveux , et la scène s'adosse contre le mur de façade qui tient lieu de décor , propice à d'adroits jeux de lumière ; et c'est là que je me remémorais , le crépuscule tombant sur ce témoin d'histoire de France, ces vers de notre subtil Musset :
"J' admirais quel amour pour l'âpre vérité
Eut cet homme si fier en sa naïveté ,
Quel grand et vrai savoir des choses de ce monde ;
Quelle mâle gaîté si triste et si profonde
Que lorsqu'on vient d'en rire , on devrait en pleurer "
me demandant si les vers de début d"Une soirée perdue "de notre Musset
"J'étais seul , l'autre soir , au Théâtre Français
Ou presque seul ; l'auteur n'avait pas grand succès .
Ce n'était que Molière...."
et je me demandais si un public dispersé n'aviverait ce chagrin que nous éprouvons à constater le déclin de notre culture et de notre pays
Main non !! C'était affluence , tous les âges , joyeux , impatients dans l'attente des trois coups , aussitôt silencieux ... Pas d'entre acte bien sûr , les gradins ne sont pas propices aux déplacements , et tant mieux , car l'attention ne fléchit pas un instant . Certes le consternant Orgon , si entiché de son "'pauvre homme, " si béatement berné , si irrité par les doutes de son entourage ,si colèrique , était il présenté sous son aspect le plus ridicule , dans la tradition de la farce . Certes Valère et Marianne étaient ils plus marivaudesques qu'enfants menacés , mais madame Pernelle, sans sa Flipote, avait tant de hauteur (trop ,peut être , car elle est dans le lot des dupes ) , mais la matoiserie du faux dévot ,ses sanglots contenus , ses prudes contorsions et ses rudes volte face , mais Elmire , si réservée dans sa séduction , captivaient le public , et Cléante servait son rôle avec une bienveillante pertinence .
La vedette s'avéra Dorine ,confidente bien plus que servante , avisé défenseur de la famille , savoureuse et hardie commère à voix bien placée qui sut se jouer du plein air . Quant à la célèbre scène de la table recouverte de tapisserie , elle ne donna pas lieu aux facilités comiques de la situation , rendit aux paroles tout leur poids et resta ce qui , en cet instant , devient tragédie : le père auteur de la ruine de sa famille .
Molière était bien servi et ....en costumes d"époque !, bien portés , tradition appréciée du public . Des soirées comme on en voudrait souvent.
fbr 20 juillet 2014
** au loin de là se trouve la château de Vaugirard , de même style ; une vaste chambre du Roi (François 1er y a dormi ) permet des concerts et des récitals , au milieu d'un vaste parc mi bois , mi prairies
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