Les lecteurs d'Hernani ont de bonnes
plumes .
Merci à Jack Petroussenko pour ce récit , bienvenu en cette Semaine Sainte.
FBR, 27 mars 2013
Dans sa tenue traditionnelle de bédouin du désert je l’aurais vu conduisant un chameau au milieu des sables, plutôt qu’une
vieille land Rover qui arborait sur ses flancs « Natura Tours » en lettres majuscules. Il nous conduisait sur la route à deux voies bordée de ravins escarpés qui menait vers le mont Moïse, à si
vive allure que j’avais du mal à rester assis sur une étroite banquette latérale, sans dossier, revêtue d’un mince tapis, devenue vite un effroyable tape-cul. Nous n’étions que trois passagers et
notre guide, serrés dans cet habitacle étroit sans climatisation, partageant le même inconfort, traversant le désert du Sinaï vers le sud en direction du vieux Monastère de Sainte Catherine. Le
siège confortable près du chauffeur avait été réquisitionné par un policier égyptien en civil. Il nous accompagnait parce qu’une américaine était parmi nous, qu’il était censé protéger, en raison
d’attentats dans des villes voisines. L’américaine était l’épouse d’un suisse, par un jeu de passeports compliqué, mais au demeurant français tous les deux. Bien que secoués dans tous les sens,
ils s’adressaient à moi, avec cette discrète condescendance qui sied à des gens bien élevés dans un certain monde. Le guide , un jeune égyptien ne parlait que l’anglais. Le départ avait été
fixé à Tabba , station balnéaire égyptienne à la frontière avec l’état d’Israël. Nous devions avaler 450 km aller et retour, 150 km le long du bord de la mer rouge, puis 300 km dans le
désert.
Une fois quitté le bord de mer, notre guide dans un mauvais anglais, nous avertit qu’il n’y aurait plus d’endroit où acheter de l’eau. Qu’importe nous n’aurions pas soif ! A qui sait le regarder, le Sinaï n’est pas un désert comme les autres. Quelque chose rayonnait sur lui qui n’était pas le soleil dans le petit matin. Un monde minéral, et granitique au milieu de sables ondoyants, propres à apaiser toutes les angoisses. Monde fascinant de solitudes et de présences, de mort et de vie en même temps, lieu où vivent des hommes, bédouins, avec femmes, enfants et bêtes. Le Sinaï est un désert superbe et vivant, montagneux avec de vastes étendues de sable clair, des collines brunes, et des dunes ocres brûlées par le soleil, qui la nuit s’endorment dans le silence et le froid. Les ermites solitaires y passent leur vie, prient, meurent et laissent leur squelette où dorment les serpents. Le désert est sans doute un endroit où l’anachorète pense se rapprocher de Dieu. Il y reçoit l’infini dans l’immensité.
La route serpente au loin comme un long ruban et se perd au regard devant nous au milieu des convulsions de la terre et des sables ondoyants. De loin en loin on voit des bouquetins sur les hauteurs, des chameaux plus hardis qui se promènent et barrent la route. Pour passer il faut attendre qu’ils s’en aillent. Parfois on fait une halte en se gardant des scorpions jaunes dans le sable, que ne remarquent jamais les touristes. Notre guide nous met en garde contre l’herbe du diable qui empoisonne ceux qui la mangent. Seraient ces buissons verts, rares mais magnifiquement touffus, poussant au bord de la route, et au fond des oueds desséchés ? Surtout n’y touchez pas quand on s’arrêtera ! Nous contemplons encore de splendides et gigantesques plissements, que la terre dessine en courbes sinueuses plus ou moins rondes recouvertes de sables fins et d’amas de rochers. Une terre comprimée par des pressions énormes, qui l’écrasent, la soulèvent comme de la pâte à pain, et dessinent des courbes comme des vagues, qui n’ont pas changé au fil du temps. Notre voiture poursuit sa course à vive allure, tandis que le paysage change au fur et à mesure que nous avançons. Voici qu’apparaissent des collines plus hautes, des rochers plus gros, et des terres, d’un autre brun, d’un autre rouge. Des arêtes plus aiguës, plus tranchantes et plus sombres, qui maintenant entourent des vallées plus encaissées, des montagnes abruptes et chaudes, au milieu desquelles la route s’insinue davantage, et serpente entre des sommets plus élevés, au fond d’une vallée aride et profonde.
Notre chauffeur roule si vite qu’on dirait qu’il court après le temps. La route est bonne, la voiture est mauvaise, mais peu à peu mon estomac s’est habitué, et mon corps s’est fait aux cahots de la voiture, comme ils se seraient prêtés au balancement d’un chameau. Les kilomètres s’égrènent. Soudain le guide signale que le Mont Sinaï apparaît à l’horizon proche, au milieu de nulle part, entre deux montagnes. Il culmine vers 2300 m. Nous arriverons bientôt au monastère, mais la montagne sacrée disparaît tandis qu’on s’approche, et que nous quittons la gorge qui s’élargit, pour arriver, au bout d’un long moment sur une vaste esplanade, où nous nous arrêtons. Le Monastère de Sainte Catherine est là, tapi quelque part derrière ces montagnes majestueuses et inquiétantes.
Catherine vivait au 4ème siècle après Jésus-Christ, et s’appelait Dorothée. Païenne et belle, elle apprit ce qu’une jeune fille riche devait savoir en mathématiques, médecine, philosophie, rhétorique, astronomie, poésie, lorsqu’un moine rencontré par hasard la convertit au Christianisme. Elle devint dés lors très pieuse et entreprit de convertir tous ceux qui l’écoutaient. L’Histoire dit encore qu’elle fut persécutée par les Romains, martyrisée et décapitée. Son corps disparut, mais selon la tradition il fut transporté par les anges au sommet de la montagne qui porte son nom, et retrouvé bien des siècles plus tard par les moines
Le territoire du monastère est un protectorat sous l’autorité de l’église orthodoxe grecque de Constantinople. L’entrée en est marquée par un panneau, que nous avons dépassé, et nous sommes depuis longtemps dans le territoire. Il faut descendre de voiture à cette halte de sable, bordée de chaos rocheux, située au bas d’impressionnantes pentes de granit sombres et lunaires, où montent d’anciens chemins de mules. Il y a quelques habitations, et des bédouins qui circulent sur leurs chameaux, l’endroit est plus fréquenté. Sur la piste de sable, des autocars stationnent plus loin, autour desquels se groupent des touristes dans ce désert où, en quête de spiritualité , on croit ne trouver personne. Le reste du chemin devra se faire à pied, malgré la chaleur. Est-ce loin ? Le guide ne répond pas. Au bout de quelques minutes, on accède à un chemin caillouteux bordé d’un ravin. Ce chemin nous mène au monastère. « Il est assez long » dit quelqu’un. Plus loin des boutiques, où des touristes se pressent, auxquels les bédouins, suppliants et rusés, proposent des cadeaux et des souvenirs. Le Monastère n’est pas encore atteint que d’autres, et même des enfants proposent de vous emmener à dos de leur chameau, harnaché, prêt à la photographie. Certains proposent même de rejoindre le Mont Sinaï, situé plus loin, et perdu de vue depuis longtemps. Pourquoi pas la promenade en chameau ? Je dis à mes compagnons de route que je suis tenté d’aller faire un tour perché sur cette bête. Mais le guide m’en dissuade. Pourquoi ? Il répond : « Le mont Moïse est loin, vous n’aurez pas le temps ». Ah le temps ! C’est lui qui nous manquera au cours de cette excursion. Au jeu du temps compté, Viviane et Bernard, le couple qui m’accompagne, seront d’impitoyables censeurs.
Dans l’immédiat nous continuons d’avancer à pied vers des demeures de pierre. Comme par miracle dans cette aridité, apparaît une grande oasis de verdure et de fraîcheur, où se cachent ces demeures épaisses, un beau jardin d’oliviers, d’arbres fruitiers, sans doute des dattiers, de grandes plantes vertes, de fleurs, d’herbes diverses et abondantes, et de jarres qui recueillent l’eau de pluie. L’eau manque dans ce désert, mais il semble qu’ici on n’en manque pas. Le guide explique : « Ce sont les habitations des moines, et des servants du monastère. Elles sont confortables. Il y a aussi une hôtellerie très propre pour les pèlerins, de l’autre coté de la route ». Continuant d’avancer, au bout du chemin, après l’oasis nous arrivons au monastère, qui dort comme un diamant dans l’écrin de ce désert unique.
Le monastère est à première vue une petite forteresse,
faite de lourdes pierres, de granit à la couleur du sable, pourvue de hautes murailles, de remparts, de créneaux, de guettes, et de fenêtres étroites, d’où les moines pouvaient jeter de
l’huile bouillante sur des assaillants. Elle fut construite au 6ème siècle Après J. C. par l’empereur Justinien. Malheureusement il y a beaucoup de monde à l’entrée pour visiter le monastère. Ce
n’est pas le Louvre mais presque, Des russes, des polonais, des nippons, des chinois se pressent parmi les marchands arabes aux mains pleines de souvenirs, qui implorent qu’on leur achète quelque
chose, des roses des sables ou des bibelots dont je m’aperçois qu’ils sont « made in China ». Made in “Shinaï” lancé-je narquois à l’un d’eux, pour ramener sur la terre mon esprit, déjà parti
vers le Ciel. Ma plaisanterie le fait sourire, mais je ne sais pas si elle vraiment appréciée.
Le monastère, c’est lui que nous sommes venus voir, se trouve à l’intérieur des murs épais. Je le touche du doigt par
superstition, pour être certain que je suis bien là. Nous avons chaud. J’avance dans une allée étroite, où des touristes déambulent, qui dans un sens qui dans l’autre, avides de voir un maximum
de ce lieu magique, datant des premiers temps de la Chrétienté, bien avant le grand Schisme d’Orient (le monastère est donc orthodoxe). Je me dirige vers l’église, vers laquelle me pousse un
petit groupe. Nous y entrons, par des portes en bois sculpté, qui datent du temps de la construction, et sont restées très belles. La petite église a la forme d’une basilique, qui est un
émerveillement quand on entre à l’intérieur. En cet endroit brillent tous les ors, et scintillent les pierres précieuses de la terre. Elle rayonne dans la pénombre et la fraîcheur qui règnent à
l’intérieur, transformée par la lumière un peu mystérieuse des cierges alignés sur des portes-cierges massifs et dorés, eux-même posés sur des tapis anciens éclairant la mosaïque de la
Transfiguration, à peine visible au plafond. Le soleil l’illumine à certaines heures du petit matin, mais aujourd’hui, nous sommes arrivés trop tard. De pesants lustres de cristal et d’argent
éteints pendent au plafond. Les touristes ne peuvent pas aller à leur guise, ils doivent respecter un circuit. Il leur faut passer d’abord au milieu de la nef centrale vers l’Iconostase, puis
revenir et obliquer vers la gauche, où ils passent devant une relique de Sainte Catherine, un petit os gardé par un moine barbu. Derrière l’iconostase qui porte quatre magnifiques icônes
anciennes ceintes d’or et d’argent, il y a deux sarcophages de Sainte Catherine. Il y en a un troisième dans une chapelle sur la droite de l’église mais on ne peut pas y accéder. Pourquoi trois
sarcophages ? Lequel contient les restes de la sainte ? Le guide ne sait pas, et le moine ne comprend pas, il ne parle que le grec. Mais l’église se remplit, et il faut en sortir sans avoir la
réponse. Nous voyons de loin, car la voie est barrée, de l’autre coté de l’église, de petites chapelles avec les restes des grands saints de l’église orthodoxe, Joachim, Anne, Cosme, Damien,
Siméon le Stylite, et qui sais-je encore.
Souhaitant mes réponses, j’avise un autre moine en sortant de la chapelle. Pour l’aborder, je prononce devant lui en Russe l’invocation pascale orthodoxe : « Le Christ est ressuscité » qui se dit dans les quarante jours suivant Pâques, et me fait reconnaître. Le moine devrait me répondre : « En vérité il est ressuscité » et m’embrasser trois fois, mais je n’obtiens pas de réaction. J’essaie de nouveau en Grec, et cette fois j’obtiens un vague murmure. Je n’insiste pas, peut-être n’a t’il pas compris, ou bien les moines doivent rester muets devant les fidèles !
En sortant prés de l’ église, il y a la chapelle du Buisson ardent, accolée derrière l’autel principal, mais je tombe en
arrêt devant le Buisson ardent, miracle et merveille, historique et biblique, reconnu par les trois religions du livre. Le Buisson est là depuis deux mille ans, visible, palpable, un peu en
hauteur, bien vivant, volumineuse masse de verdure, devant laquelle je m’interroge : « Je croyais que Moïse avait reçu les tables de la loi sur la montagne ? N’est ce pas sur le mont
Sinaï lui-même que Dieu aurait parlé à Moïse et dicté les tables de la loi. Non pas ici où nous sommes ? Bernard (j’apprend qu’il est juif) m’entend et me fait la leçon. « Relisez la Bible.
Ce n’est pas sur la montagne, mais ici, en descendant que Moïse entendit Dieu lui parler dans ce buisson, et reçut les tables de la loi ! » Belle leçon de texte sacré ! Quelqu’un me dit qu’on n’a
jamais réussi à faire pousser les racines de ce buisson ailleurs qu’en ce lieu.
Je l’entends à peine, et je m’en vais un peu plus loin, mais les distances sont courtes, nous arrivons au musée, à la galerie des Icônes. Quel chemin ne ferait on pas pour voir la plus vieille collection d’icônes du monde, et les codex les plus anciens ? Il y a beaucoup de monde, et un gardien arabe retient le flot des touristes aux portes. Soudain elles s’ouvrent, et on nous fait entrer par petits groupes. Dieu me pardonne, si je joue des coudes au jeu du chacun pour soi. A l’intérieur, les icônes, sont nombreuses, du moins je l’imagine, car on dit qu’il y en a deux mille. Même si je ne les vois pas toutes je souhaite en voir le plus grand nombre, et les contempler à ma guise. Mais je m’aperçois qu’elles ne sont pas toutes montrées au public, et je n’en verrai qu’une centaine. C’est déjà beaucoup.
Je m’arrête tout de suite émerveillé devant trois images, qui attirent dés l’entrée mon regard. Elles sont grandes, magnifiques et leur regard est immense. Un Christ Pantocrator, beau comme le jour, le regard lointain un peu divergent, indéfinissable, bénissant les évangiles, grande icône du 7ème siècle, merveille, que je resterais des heures à admirer si je le pouvais. Je pense à l’artiste qui l’a peint. On ne saura jamais son nom, il travaillait à la cire fondue. mais il vaut tous les Fra Angelico et tous les Véronèse. A coté de cette icône, celle aussi grande, de la Vierge Marie assise sur un trône tenant l’enfant Jésus, icône plus récente, et peut-être ancêtre de la Vierge du Signe. Plus loin une superbe icône de Saint Pierre, simple image d’un pécheur de Galilée, tellement humain qu’il en parlerait à ceux qui le contemplent, comme Sainte Théodosie icône plus récente. Et encore Saint Bacchos et Saint Serge sur leur cheval, des chefs d’œuvre qui datent du 13ème siècle. Enfin parmi les plus vieilles de l’humanité, on ne montre que trois icônes du 7ème siècle, la datation des autres commence au 11ème siècle. Il y en a certainement de plus anciennes ailleurs, dans le monastère, mais le public ne les voit pas. Ce n’est rien ! Quelle que soit leur datation, elles sont toutes plus belles les unes que les autres, ce sont de véritables chefs d’œuvre. On comprend pourquoi le monastère est inscrit au patrimoine mondial.
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Je continue de progresser, et des vitrines éclairées devant moi m’attirent, avec des parchemins enluminés, ainsi que plusieurs Codex en Grec ancien ou dans des langues disparues et indéchiffrables, et parmi eux le plus vieux, datant du 5ème siècle, le Codex Syriaque avec le texte de la bible. Je vois plus loin dans d’autres vitrines de très antiques et vénérables vêtements sacerdotaux, des ornements d’église, des habits d’évêque. Ailleurs les vitrines protègent des coffrets à bijoux, des crucifix, des médailles, des ostensoirs, des patènes, des calices, de petites chasses en or admirablement ciselées, des statuettes, des encensoirs, faits de métaux précieux et de pierres rares. Une superbe patène dite du partage du pain, en or et argent retient mon admiration. Et tant d’autres trésors en plein désert ! Je ressors ébloui, vaincu par la spiritualité et le travail des hommes d’autrefois qui avaient le sens de la beauté des choses !
Poursuivant ma visite je tombe en arrêt devant une page (ou une copie) du testament (ou d’un édit) de Mahomet. Ce texte écrit de sa main (ou sous sa dictée) est un texte solennel protégeant le monastère, et incitant les Musulmans à respecter, et à honorer les moines du désert du Sinaï jusqu’à la fin des temps. Divine surprise ! Autrefois les religions se combattaient s’entretuaient, mais se respectaient. Une pensée me saisit aujourd’hui quand le monastère est classé dans le Patrimoine mondial, cet écrit du Prophète le protégera t’il des extrémistes ? Dieu lui-même le pourrait-il contre la folie des hommes ?
Autre surprise je vois accrochée sur le mur une lettre de la main de Bonaparte, pendant sa campagne d’Egypte, promettant également la conservation, la restauration et la protection du monastère. Cet homme avait du bon !
Nous sortons du musée, il faut laisser la place. Je souhaite aller ailleurs dans le monastère, voir ce qu’il reste à voir ! Mais aujourd’hui l’ancien réfectoire avec ses fresques murales très anciennes n’est pas ouvert au public. La bibliothèque qui contient des centaines (et même des milliers) de livres, de documents anciens, certains découverts récemment, est fermée. Levant les yeux vers le clocher, dans lequel on ne monte pas car il est en restauration, je vois surgir, à mon grand étonnement, le minaret d’une mosquée situé tout près de lui ! Personne ne m’expliquera si cette mosquée rappelle le souvenir d’un calife ancien, bienfaiteur méconnu, ou l’occupation du lieu après une guerre tribale. Je passe sans entrer devant l’ossuaire rempli de cranes et d’ossements, où l’on dépose le corps des moines morts du monastère. Seul le jardin visible de l’extérieur, est étonnamment vert, et agréable à voir, dernier avatar de l’oasis que nous allons quitter.
Je sors du monastère et de la forteresse, les yeux pleins de ces trésors d’un autre age, et l’esprit élevé de ce qu’ils représentaient. Un jour l’Esprit a soufflé sur la glaise. Comment ne pas renaître dans de tels endroits, avec une telle histoire, devant de tels objets ? Mon enthousiasme par ce que je venais de contempler, était plus grand que ma déception par ce que je n’avais pas vu. Si j’avais su parler aux moines, si les moines avaient su parler le Russe, la visite aurait pu être différente ! Qu’importe, je suis venu et j’ai vu, je reviendrai.
Dehors il fait chaud, avant de partir je souhaite photographier les alentours, le Mont Moïse qu’on ne voit pas du monastère, mais je n’en aurai pas le temps. Bernard et Viviane gardiens vigilants du temps qui passe me le rappellent. Il faut aller déjeuner et revenir à Tabba. un restaurant nous paraît acceptable non loin du monastère. A table, Viviane dit : « Surtout ne mangez pas de ces crudités, vous allez attraper la turista ! ». Je repousse mon assiette, mais je la vois manger avec appétit deux cuisses de poulet à la purée, je la mets en garde : « Attention à la grippe aviaire, l’hygiène laisse à désirer dans la région. » Inquiète, elle repousse son assiette. Nous sortons du restaurant, à peine calmés par des légumes cuits et un café. Dommage, le repas était compris dans le prix de l’excursion ! Heureusement nous avons eu à boire.
L’excursion se termine, la voiture nous attend, et il faut revenir. Nous grimpons à grand peine, et partons sur le chemin de retour.
….....
Au bout de deux heures, après que nous ayons quitté le désert et rejoint le bord de mer, notre guide annonce une halte chez l’habitant, pour nous montrer une maison de bédouin, (qui ne sont pas tous nomades) dans un village de la côte. Sans nous le dire il nous dirige vers l’habitation de notre chauffeur, toujours dans son habit du désert, souriant, et s’exprimant en Anglais. Heureux de nous recevoir chez lui, il en devient bavard, comme notre guide depuis que nous avons quitté le monastère où il avait gardé le silence. Il habite un joli village, sa maison est modeste où il vit avec femme et enfants. La femme est voilée, mais il n’en a qu’une, enceinte de son 6ème enfant. Ici on ne voit aucun meuble, ni chaise, ni table, ni lit. Il n’y a rien sauf des tapis, sur lesquels tout le monde vit, et dort par terre. Il y a seulement un réfrigérateur et un téléviseur. La propreté n’est pas absolue, mais l’hospitalité ne manque pas. Il nous invite à prendre une collation. Contents de ce goûter inattendu, nous sommes obligés de nous asseoir par terre sur les tapis.... On nous sert du café, ou du thé à la menthe, et on nous fait manger des crêpes de sarrasin, une spécialité maison. Viviane et moi nous nous regardons sans rien dire. L’accueil nous plait mais il y a un petit piège que nous n’avions pas vu venir. Avant que nous partions de chez elle, la femme de notre chauffeur nous présente des bijoux en fausses perles, des boucles d’oreille et des colliers en pierres du pays, qu’elle enfile et qu’elle vend. Ils n’ont pas grand intérêt sauf de faire plaisir à nos hôtes. Ce sont des objets égyptiens, au moins ils ne sont pas chinois. Par courtoisie nous en achetons, dont nous ferons cadeau à nos enfants et à nos petits enfants, en souvenirs d’une belle excursion.
En voiture, après avoir distribué les traditionnels pourboires aux gens qui nous accompagnaient, le soir à Tabba, nous nous sommes retrouvés à notre point de départ, et vint le moment de prendre congé de mes compagnons d’un jour. En les quittant je dis à Viviane et à Bernard : « Au revoir, on se retrouve l’an prochain à Jérusalem ? » proverbe juif traditionnel, que je ressors de ma mémoire. Je les ai fait rire !
Jack Petroussenko