28 février 2010
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La question du patrimoine est d’abord une question juridique. Cela, vousle posez d’entrée justifiant votre cause par votre opposition à un texte de loi qui tend à transférer la gestion du patrimoine historique national aux collectivités territoriales, impliquant un certain désengagement de l’Etat. Le droit vient constamment régler la problématique de la transmission, c’est aussi vrai de l’acte notarié concernant l’héritage que des lois bioéthiques cherchant à protéger le patrimoine génétique contre le tripatouillage ou l’eugénisme. C’est à fortiori le cas du patrimoine, littéralement héritage du père ! Même un psychiatre comme Jacques Lacan n’en disconviendrait pas qui usait étrangement du vocable juridique de « Forclusion » pour traiter de la défaillance de la transmission du Nom du Père dans la psychose…
L’affaire est sérieuse ! Plus encore en ces temps de réforme de la taxe professionnelle, d’effondrement des recettes liées au droit de mutation et du rétrécissement des budgets afférant au transfert de compétences de l’Etat vers le local.
Le premier mobile de la loi, clairement identifié par les auteurs du Cercle Hernani, c’est encore et toujours ce tourisme, affreux mot note Françoise Buy-Rebaud, repris de l’Anglais après que l’on nous l’ait emprunté, savoureux va et vient de la langue… *Ce tourisme, qui d’héritiers, fait de nous des rentiers !* Si l’héritage est ce commandement de faire croitre, augmenter et multiplier, la rente est par contre profit d’usurier, incitation à profiter et à abuser. Le tourisme, c’estentre autres choses faire entrer le patrimoine historique dans un cycle de consommation culturelle qui ne laisse subsister que les cendres.
Charge aux futures « Cités Etats » d’entretenir un patrimoine qui dans une approche utilitariste leur profite en ce qui concerne la mise en valeur des territoires.
Que le patrimoine historique national soit traité comme un bien économique (qui plus est comme les autres…) a le don de provoquer la colère et la réprobation des gardiens d’une culture sacrée menacée de profanation par notre société consumériste. On ne peut que souscrire à priori au romantisme des auteurs…Romantiques passés aujourd’hui, étrange ruse de la raison, dans le camp des classiques face au culturellement correct si justement dénoncé… De ce dix-neuvième siècle au travers les âges analysé par Philippe Murray en son temps nait de biens étranges métamorphoses, dont celle qui met aux prises modernes contre modernes…
Pour aller plus avant dans l’analyse, il serait peut être nécessaire de se pencher un peu sur le phénomène touristique tel qu’il apparaît de nos jours. Le touriste, c’est donc celui qui fait des tours. Tout à la fois au sens ou il fait le tour de ce qu’il visite, ne fait on pas le tour des monuments que l’on découvre ?, des tours qui le mènent de chez lui à chez lui en passant par un ailleurs qui n’en finit plus de ressembler au chez soi, des tours de passe passe qui le fait participer à l’illusion ambiante tout en lui donnant l’illusion qu’il en a fait le tour et des tours en pure perte, histoire de perdre son temps par distraction en faisant des ronds dans l’eau ou des tours de manège. Autant de pratiques qui rompent avec l’idée traditionnelle du voyage, du départ comme du retour , " tels que le concevaient Chateaubriand , Byron ou Goethe "
"Cet effacement progressif du voyage outil de connaissance humaine et culturelle , est une des marques de la perversion actuelle de l’occident. Le tourisme comme départ pour rien en est une traduction ô combien révélatrice."
Le patrimoine n'est plus considéré valeur sacrée , mais comme source de profit , donc vendable , par l'Etat propriétaire, ou comme banal objet de divertissement , donc jetable , par le touriste.
Nicolas Stoquer