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4 février 2011 5 04 /02 /février /2011 15:18

Lire en premier l'article de David Mascré, " l'art contemporain ou la laideur du diable"



 Eloge du moderne dans l’art! 

« Das Ewig-Weibliche zieht uns hinan »

Goethe Faust 

 

n.stoquer021.PNG  « Je suis l'esprit qui toujours nie, et c'est avec justice car rien n'existe en ce monde qui ne mérite d'être détruit », tel se présente le Méphistophélès qui vient à la rencontre du Docteur Faust.


L’esprit nihiliste se dévoile dans cette irréductible exigence de justice ! Le scandaleux art contemporain est d’abord un art scandalisé, qui en est venu en tant que témoin à douter de la justice de dieu !


La création du monde fait trébucher, Skandalon, c’est la pierre d’achoppement ! Etonnant livre de Job ou le démiurge accepte de livrer le plus juste des hommes à l’épreuve de Satan. Apparent scandale dont le fondement pourrait se résumer à cette question, « Mais pourquoi donc Dieu a-t-il crée le mal ? ». Et s’il n’avait pas pu faire autrement ?


Il existe en ce monde un excès du mal, l’âme exaltée des nihilistes le démontre tous les jours. C’est un puits sans fond qui voit tomber Satan comme l’éclair ! Le moderne Kant le percevra en son temps qui se confrontant à un acte qui serait absolument bon aboutira à la démonstration du contraire. Un acte qui tirerait ses motivations uniquement de lui-même ne pourrait être que fondamentalement mauvais. Le bien s’appuie sur un mal relatif, tout acte contient le mal, dans tous les sens du mot « contenir »…


Alors vient l’angélisme exterminateur et son exigence d’une justice sans concession. « …Ou pire » pour que cela ne soit plus du semblant ! L’acte ne veut plus contenir le mal, il le déchaîne alors, littéralement… En rejetant le mal, purification éthique, il se condamne à en devenir son expression la plus achevée. Déconstructionisme, minimalisme, on retranche, on fait table rase, du passé on se lave les mains au risque de ne plus en avoir…De mains comme de passé !


Salvator DALI

 

L’art contemporain explore la limite du monde moderne sans jamais réussir à nous démontrer que la rupture épistémologique a bien eu lieu. Heidegger ne dépasse pas Hegel, il trébuche aux confins de sa synthèse. A l’oubli de l’être des modernes ne succède pas son ressaisissement à l’aurore d’un monde nouveau si ce n’est à donner du crédit aux thèses du surhomme et à ses conséquences historiques. Postmoderne, posthistoire, des néologismes qui marquent l’impossible dépassement.


La querelle reste celle des anciens contre les modernes et confondre moderne et postmoderne pour leur appliquer un même rejet pourrait paraître habile s’il ne révélait pas chez ses auteurs outre un profond ressentiment que rien n’excuse, la secrète attraction pour cette même exigence d’absolu qui perd tous les jours nos nihilistes révoltés. Les conséquences postmodernes de la modernité ne sont pas la vérité des modernes mais son exception qui clôt l’ensemble et cale l’antique querelle. C’est la grande secca qui traverse l’art occidental. Deux façons d’appréhender l’harmonie, symétrique, musique des sphères, ou équilibré dans son déséquilibre. Deux manières d’appréhender l’ab-sens irréductible qui nous rattache paradoxalement au monde !      


mondrian01.jpg  L’exposition au centre George Pompidou Mondrian/De Stijl n’est elle pas la preuve qu’il existe un art contemporain qui, pleinement moderne, le néoplasticisme par exemple, ne mérite nullement l’opprobre que l’on peut réserver par ailleurs à des productions contemporaines elles et pour le coup profondément malfaisantes. Aussi a-t-on appris dernièrement qu’il était toujours et fort heureusement interdit en France d’exposer des cadavres…


Aux confins de toute chose, l’on touche au sublime comme à l’insane et la matière fécale n’est pas  sans interroger la problématique de l’objet perdu éperdu, l’abject qui est aussi le sombre objet du désir, objet qu’en amour l’on met au champ de l’Autre. Mais comment se fait il que le retournement qui est la loi du signifiant nous fasse passer d’une exigence d’absolu à l’expression de son contraire ? Antigone pour dire son exigence de respect des lois divines ne trouve finalement rien de mieux que de se suicider. La révolution tunisienne en est un lointain écho…


Sur quoi bute t-on ainsi, cette pierre rejeté dont il est pourtant dit qu’elle sera la pierre d’angle, de fait ? C’est ce point focal du tableau, cet angle mort qui nous regarde et qu’un certain art contemporain tente de cerner dans ses œuvres. Cette trace du réel qui fait l’anamorphose, la voute sous laquelle se cache un rictus, la parabole qui touche au sublime. Fornix en latin, ovale, arcade, ogive qui est la trace du sacré, l’abside de l’église mais « fornicare » aussi, la fornication comme incitation au pêcher et le diable fourbu !


« L’eternel féminin nous élève », voici comment conclut le chœur du Faust de Goethe. C’est l’incitation à la transcendance ! Béatrice de Dante ou Margueritte… La plus haute expression de l’Homme qui se retourne en son contraire ! La Femme qui ouvre une brèche et non l’in (-) fâme ! La Femme, ce qui en tant que signifiant, nous le savons bien, n’existe pas… C’est l’aphanisis, l’éclipse ! Lorsque l’art se confronte au noyau dur du réel.


Tournons nous alors une dernière fois vers la « Critique du jugement » de Kant et plus précisément vers la différence entre le beau et le sublime. Remarquons leur opposition quand à la possibilité de représentation, de symbolisation : Bien que l’Idée Chose ne puisse être représentée de manière directe, immédiate, il est possible de représenter l’idée symboliquement sous la forme de la beauté (Le beau est une manière de nous représenter analogiquement le bien dans le monde phénoménal). Mais ce que met en évidence la chaotique absence de forme du phénomène sublime, c’est au contraire l’impossibilité de représenter l’Idée Chose suprasensible. Le sublime se révèle alors étrangement proche du mal. C’est la dimension même du mal radical, c'est-à-dire la dimension d’un mal dont la nature est purement spirituelle, suprasensible et non pas pathologique. C’est l’asymétrie entre le bien et le mal : Le fait que « le mal n’est pas beau », ce qui ne veut pas dire qu’il est laid, signifie qu’il ne peut pas être représenté, pas même symboliquement, c'est-à-dire qu’il est en un sens plus purement spirituel, plus suprasensible que le bien. Le mal est quelque chose de si terrible qu’il est à peine concevable comme une pure possibilité mentale.


Sur ce sujet, laissons le dernier mot à Lacan, ses réflexions sur le thème qui nous occupe sont d’une étonnante actualité : « A travers le sentiment du beau nous pouvons indirectement, symboliquement, nous représenter notre liberté, notre destination d’être libre, mais à travers le sentiment du sublime nous éprouvons au contraire l’impossibilité de nous représenter, même analogiquement, le mal radical, l’altérité et le conflit de la liberté. Toute symbolisation du mal l’extérioriserait par rapport au sujet, de même que toute sublimation du bien nous exposerait au mysticisme, à l’illusion de toute-puissance, qui dans le domaine pratique, s’appelle délire de sainteté. ». Empire du Bien, chasse aux sorcières, ligues de vertus…Mal radical, terrorisme, ténèbres extérieurs ! D’un extrémisme l’autre !  


Nicolas Stoquer

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