La bataille de Verdun fut la Passion de la Fance.Epreuve dans la souffrance , librement acceptée et vécue,comme cellle du Christ
Ce centenaire devait être une commémoration imposante par la quantité des faits à rappeler, des souffrances endurées, des héroïsmes quotidiens, de l'abnégation de tous pour la survie du pays, avec des dates, des lieux, des noms à ne jamais oublier. On sait que ce fut une guerre de paysans contre d'autres paysans, dans l'Europe majoritairement rurale du XX siècle naissant, solides, acharnés et patriotes ; il suffit de lire, gravées sur les stèles aux morts de tous nos villages, les longues listes des hommes fauchés, souvent d'une même fratrie. Il y aurait honte à négliger ces "sentinelles de pierre" au nom de la dite" réconciliation" ; ils formaient les trois quarts des hommes directement engagés dans les combats avec les petits artisans des villages, et ils ont subi les plus lourdes pertes.
Frappés aussi les aumôniers présents partout et accourant auprès des blessés et des mourants, les brancardiers et infirmiers de première ligne, et ce serait erreur de croire épargnés les officiers : 22 % furent tués.
Les adolescents privés d'Histoire de France spnt peu renseignés sur la Grande Guerre, sauf certains par l'héritage d'un aïeul tombé au champ d'honneur : photographies, décorations et citations, lettres, menus objets. Mais en fait peu de ce qu'ils devraient savoir et que les manuels passent sous silence.Puissent ces quelques lignes leur apporter cette connaissance
Raymond Poincarré (1860-1934). Président de la République du 17 février 1913 à 1920.
Avocat érudit (membre de l'Académie française), licencié es lettres, Sénateur, successivement ministre de l'Instruction publique, des Beaux Arts, des Finances, puis Pdt du Conseil de 1912 à 1913, il fut le premier à utiliser l’expression " union sacrée " (discours du 4 aout 1914).
Conscient de la puissance et du nombre de l'armée allemande, fortement entrainée, il avait fait voter, pour rééquilibrer les forces, le prolongement du service militaire de 2à 3 ans. Il rendait régulièrement visite aux troupes sur le terrain même, et en 1917 appela à Matignon son rival en politique Georges Clemenceau apprécié pour son autorité et sa détermination
Des rivalités territoriales, économiques, politiques affectaient notre continent, selon lesquelles deux blocs s'étaient constitués : La Triplice : alliance entre le Reich (empire allemand dominé par la Prusse, créé en 1871 (Frédéric Guillaume de Hohenzollern est roi de Prusse et empereur), l' Italie, monarchie constitutionnelle depuis 1866, l'Empire austro hongrois (l'empereur d'Autriche François Joseph 1er de Habsbourg est aussi Roi apostolique de Hongrie).La Bulgarie s'y associa.
La Triple Entente : alliance entre la France, l'empire de Russie (le Tsar de toutes les Russies, Nicolas II au tragique destin), le Royaume Uni (Ecosse -Angleterre, Irlande) qu'avait précédée l'Entente cordiale France Angleterre en 1904 (George V était souverain du Royaume Uni et des Dominions, Canada, Australie, Afrique du Sud, et empereur de toutes les Indes). La Serbie, la Roumanie, le Monténégro, la Grèce le Portugal les rejoignirent.
L'Italie, après tractations, passera à la Triple Entente en 1915.
Dans chacun des blocs alliés, des tensions intérieures apparaissaient : influences coloniales respectives, conflits dans la péninsule balkanique, et le désir de reprendre l'Alsace et la Lorraine arrachées à la France et attachées à l'empire allemand en 1871.
Un autre acteur, méconnu : l'Empire ottoman, oppresseur depuis 1453 d'une grande partie de l'Europe, miné par les révoltes balkaniques, était entré en décadence. Allié de l'Allemagne et de l'Autriche Hongrie, il déclara la guerre à la Triple Entente en 1914 ; ses troupes, encadrées par des officiers allemands, reculèrent sur le front russe et au Caucase. La défaite de 1918 entraina son démembrement et donna naissance à la Turquie.
Prenant pour prétexte l'assassinat en juin 1914 de l'héritier de l'Empire austro hongrois François Ferdinand à Sarajevo, l'Autriche Hongrie envoie un ultimatum à la Serbie considérée comme responsable, l’Allemagne décrète la mobilisation générale, déclare la guerre à la Russie le 1er aout, à la France le 3 ; l'Angleterre rejoint ses alliés lorsque la Belgique, née en 1830 et qui restait neutre, est envahie par l'armée allemande. Neutres aussi étaient l'Espagne, la Suisse, les Pays Bas, le Danemark, la Suède et la Norvège. Les Etats Unis (président Wilson, universitaire, créateur de la SDN, 1856-1924) n'entreront dans le conflit qu'en avril 1917, leurs intérêts maritimes étant menacés.
L
Les chefs militaires
Joseph Gallieni 1849-1916.
Administrateur colonial, était déjà en retraite lorsqu'il fut rappelé pour la défense de Paris. Il s'effaça volontairement devant Joffre pour le titre de chef des Armées ; Clémenceau nota dans son éloge funèbre qu'on doit à son esprit de décision la victoire de la Marne. Il fut élevé au grade de Maréchal à titre posthume en mai 1921.
Joseph Joffre 1852 -1931 Polytechnicien.
Commandant des Etats Majors des Armées en 1911 : élevé à la dignité de Maréchal de France en 1916, avant son remplacement par Nivelle, décidé par Aristide Briand alors Pdt du Conseil. Surnommé "Le grand père "par les troupes qu'il visitait régulièrement, il prit conscience que la guerre serait longue et difficile, après avoir fait reculer l'ennemi à la première bataille de la Marne 6 au 13 septembre 1914.
Le début de la guerre est meurtrier, les succès espérés rapides vers Alsace et Lorraine deviennent retraites, et la résistance s'installe dans des tranchées. Le rappel de certains épisodes eût été bienvenu, dont celui des taxis de la Marne, et donc celui de la première bataille du même nom.
En septembre 1914, le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, est informé d'un détour dans l’avance allemande, et décide de tenter une attaque à l'est contre l’ennemi pour préserver la capitale ; en manque d'effectifs, il obtient du général Joffre la 7° division d'infanterie.
Mais il faut agir vite, les trains manquent ; le 6 septembre, Gallieni donne l’ordre de réquisition des trois mille voitures taxis encore en service, qui effectuent la navette entre le canal de l’Ourcq et Paris nuit et jour jusqu'au 12 septembre, assurant la victoire de la Marne.
D'autres épisodes ont été passés sous silence : les offensives en Artois en 1915 et en Champagne en 1916. Pourtant un centenaire se commémore en sa totalité, ou pas.
Il a fallu l'anniversaire de Verdun, peut être la plus dure, longue et sanglante bataille de notre Histoire, pour réveiller les mémoires, car cette tragédie a laissé un impérissable souvenir. Quant aux medias, l'occasion a été trop belle pour en dire trop, ou pas assez. Nous avons vu, grâce au travail d'authentiques historiens, depuis 2014 , de nombreux documentaires, la plupart objectifs et passionnants, mais à des heures d’écoute dissuasives. A la grande ecoute ,certains textes imposent une image déformée de la troupe ou des chefs, alors qu'il s'agit de mesurer le sacrifice de tous, sacrifice que nous serions maintenant incapables de renouveler, nous qui avons délaissé notre identité.
On ne doit pas, en effet, réduire ces combats à leur hélas réelle atrocité, sans en proclamer la gloire ; pourquoi présenter ces hommes, de vrais, comme du bétail envoyé à l'abattage rituel, alors qu'ils étaient habités du sens de l'honneur inculqué par leurs maitres, prêtres ou hussards noirs, et que leur but était de préserver le sol natal du sort de l'Alsace Lorraine.
"C'était un type d'hommes forgé par une civilisation plurimillénaire de la glèbe et du fer" (Philippe Conrad).
Mais pourquoi Verdun, et cent ans après, pourquoi tant de pitié et tant de piété ?
En 843 eut lieu à Verdun le partage de l'empire carolingien entre les petits fils de Charlemagne ; le nom évoque aussi une des premières victoires des soldats de l'an IX, et l'enjeu militaire lors de la guerre France Prusse de 1870, à trente kilomètres de la frontière.
C'était donc un symbole pour le Kronprinz qui attaqua les positions françaises le 21 février 1916 : "Nous allons prendre Verdun, cœur de la France, et elle se mettra à genoux" écrit il.
Les forts du site, Vaux, Douaumont, défendus par des combattants en moindre nombre et moins bien armés que les allemands, étaient tombés héroïquement " avec les honneurs de la guerre", après de lourdes pertes, les reprendre était aussi un symbole.
En ce lieu s'installa la nouvelle forme de guerre : celle des tranchées, expérience tragique que tous les soldats vécurent, en raison de la "noria" nécessaire au renouvellement des unités. Et pourtant, malgré l'épuisement : "il faut tenir", engendra leur fierté : "j'étais à Verdun".
Les tranchées ne restèrent pas de simples trous de protection des obus creusés à la hâte en 14, avec la durée, on les prolongea en abris plus profonds étayés par des poutres, ramifiés en tranchées de deuxième ou troisième ligne plus propices au repos, tout relatif, les zones crayeuses les rendant humides ; les percées vers l'extérieur n'ouvraient que sur un paysage de désolation, et tuer le temps pendant les accalmies passait par la lecture ou l'écriture du courrier, par de touchantes manifestations artistiques : bagues, cendriers, vases sculptés dans le cuivre des balles ou le cylindre des obus ramassés après les attaques de l'artillerie ennemie, exorcisme de la peur et du désespoir.
Mais après les sorties réussies, il fallait changer de tranchée, ou en creuser d'autres. Outre ce que les Romains appelaient inpedimenta, (bidon, gamelle, musette, cartouchière, couverture, toile de tente) les hommes transportaient aussi les outils de terrassement, leurs vivres de réserve (conserve de viande, biscuits, un peu de sucre et de café) et bien sûr leur fusil, auquel s'ajouta le masque à gaz.
Si les tranchées allemandes étaient plus "confortables", les uniformes feldgrau plus imperméable que les capotes bleu horizon, la nourriture était meilleure, l'approvisionnement assuré par des convois de petits ânes qui se faufilaient discrètement dans les galeries jusqu'aux "roulantes ".
Philippe Pétain (1856-1951).
Orphelin de mère à deux ans, enfant d'une famille paysanne, après des études en pension, il entre à Saint Cyr et en sortira de la même promotion que Franchet d'Esperey et le père de Foucauld ; puis à l'Ecole de guerre, où il enseignera plusieurs années, comme aussi à l'Ecole de cavalerie de Saumur : opposé à l'offensive à outrance, il entend subordonner toute attaque à un feu nourri de l'artillerie qui use l'adversaire, et annonce l'urgence à disposer d'avions et de chars.
Le général Pétain se distingue par son calme et la maîtrise de son commandement en Artois pendant l'hiver 14-15 ; se manifeste son souci des hommes, du renouvellement en linge et sous vêtements chauds, du ravitaillement et du réapprovisionnement en munitions ; il s'indigne que les chevaux sans abri puissent mourir de froid ou de soif, en contre partie il exige une discipline absolue, et fait sanctionner des actes graves, comme le sectionnement des fils télégraphiques. Général de division et commandeur de la Légion d'honneur, c'est lui qu'on charge de sauver Verdun, où la situation est considérée comme perdue. Il en sera le vainqueur.
Mais : "Courage, on les aura", tel est le message envoyé à ses soldats le 16 avril 1916.
Son premier souci ; la logistique. Il organise donc ce qu'on retient sous le nom de Voie Sacrée, que lui donna Maurice Barrès en référence à la Via Sacra des Romains qui menait au triomphe : chaque semaine sont transportés de Bar le Duc à Verdun, par une départementale en moyenne 90 000 hommes et 50 000 tonnes de matériel par 3400 camions Berliet, Peugeot, Panhard. Le général ouvre des carrières pour le renouvellement des pierres de cette route défoncée par le dégel, où travaillent quotidiennement des territoriaux et des prisonniers.
Le ravitaillement en eau (la soif est la hantise des soldats et des blessés) est assuré images route et provisions d'eau.
Le Mort Homme ; le fort de Vaux, le plateau de Douaumont, entre autres lieux, sont repris à l'ennemi de mars à avril 1916.
Les assauts furieux du Kronprinz ont été partout brisés... Honneur à vous... « Courage, on les aura ", tel est son message aux soldats. Mais l'attention de Philippe Pétain se porte avant tout sur le moral des hommes ; il déteste les souffrances des assauts inutiles, d'où sa mésentente avec le général Joffre, qui veut reprendre l'offensive, alors que les soldats, glorieusement vainqueurs, sont harassés et les pertes lourdes ; Pétain maintient la défensive, soutenu par Paul Painlevé, mathématicien rationnel, ministre de la Guerre. Surtout quand le général Nivelle, successeur de Joffre, porte le poids des 100 000 morts en deux semaines du Chemin des Dames, et que des mutineries éclatent ; Nivelle, limogé, le gouvernement nomme le 15 mars 1917 le général Pétain chef des Armées françaises.
Le chemin sera encore long de Verdun à Compiègne. Son discours de réception à l'Académie française au fauteuil de F.Foch, témoigne de la clarté de ses conceptions militaires
Son discours de réception à l'Académie française fut l'éloge de son prédécesseur F.Foch.
http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-de-philippe-petain
D’autres acteurs vont intervenir.
Georges Clemenceau 1841-1929, médecin, membre de l’Académie Française.
Président du Conseil de 1906 à 1909, puis de 1917 à 1920. Son action autoritaire comme Ministre de l'Intérieur en 1907 en cumul avec sa fonction de Pdt du Conseil lui avait valu le surnom de "Tigre ", créateur des célèbres brigades contre le banditisme et la subversion.
Très éprouvé par la défaite de Sedan lors de la guerre de 1970, à l'origine de la Commune, il apporta son énergie à la conduite des opérations militaires, s'opposa aux socialistes Malvy et Caillaux , pacifistes et mondialistes , et fut surnommé "Le père la Victoire" par les soldats ; on lui reprochera plus tard d'avoir négligé les contacts proposés par le jeune empereur Charles 1er qui auraient écourté la guerre, en raison de son acharnement contre l'Empire austro hoengrois : il était tenant du «jusqu'au bout», car il avait vécu la perte de l"Alsace et la Lorraine comme une tragédie
Comme le général Pétain il était soucieux de réduire tant que faire se peut les souffrances et d'épargner leurs vies
Ferdinand Foch (1851-1929).
Polytechnicien, puis élève de l'Ecole supérieure de guerre, il fut choisi pour la diriger par Clemenceau ; il est à noter que les deux hommes, l'un républicain rigide, l'autre fervent catholique, seront liés par une solide amitié.... La résistance de Verdun lui permit de mener et gagner la bataille de la Somme.
Nommé en mars 1918 Généralissimes de toutes les armées alliées en Occident, il coiffe les chefs français et britannique Pétain et Haig.
Elu à l'Académie française en 1918 pour ses écrits "Principes de la guerre » et " Conduite de la guerre", Foch reçut le bâton de maréchal des mains de Poincaré la même année, et fut élevé à la même dignité par la Pologne et la Grande Bretagne.
Menant une vie strictement disciplinée au plus près des troupes et leurs responsables, il l'exigeait aussi de tous ; il avait perdu un fils et un gendre le même jour du début des combats, son souci allait vers le devoir impérieux d'éviter des sacrifices sanglants et inutiles. Ses Mémoires parurent en 1931.
Aux nations a succédé l'Union Européenne, dite facteur de paix.
A vrai dire, au vu des évènements qui s'y déroulent, son éclatement démontre la confusion des médiocres principes qui l'ont bricolée, et l'incapacité des membres à prévenir et combattre des périls encore pires. Si cette "Union européenne ne modifie pas sa forme et ses principes , les millions de morts de cette épopée seront tombés en vain, insulte suprême à leur mémoire et cette Passion ne sera pas suivie d'une Résurrection.
"Français, vous avez la mémoire courte…", effrayante vérité.
A la mémoire de mes arrière grands pères et grands oncles paternels et maternels, dont je garde lettres, photos et décorations .
fbr
mercredi 8 novembre 2017
Sources
La Grande Guerre 2 tomes
Encyclopédie Larousse 3 tomes
Guy Pedroncini Pétain, le soldat
Archives familiales
La Grande Guerre racontée par les combattants
Librairie Aristide Quillet
Boulevard Saint Germain
Paris 1922